complotisme et les contre-vérités
Le complotisme et les contre-vérités - Visuel : Ifop et AMB-USA.fr

La croyance dans les idées complotistes et les contre vérités scientifiques aux Etats Unis et en France ?

L’adhésion d’une part non négligeable de nos compatriotes à ces théories – qu’elles concernent les événements du 11 septembre 2011, l’élection « volée » de Donald Trump ou encore l’efficacité de la chloroquine dans le traitement de la Covid-19 pour ne citer qu’elles – fait dire au journaliste d’investigation et spécialiste de cette thématique Thomas Huchon qu’il est « urgent et impératif que la société française prenne cette problématique à bras le corps ».

Si elle confirme que le complotisme est devenu une véritable grille de lecture de l’actualité outre-Atlantique, cette étude interpelle à bien des égards sur la pénétration des thèses conspirationnistes dans l’Hexagone. Les résultats confirment, à l’heure où nombre d’entre eux considèrent comme fiables les informations diffusées par les réseaux sociaux, que les jeunes générations sont particulièrement sensibles aux fake-news qui y circulent.

D’une manière générale, la défiance à l’égard des discours officiels, qu’ils soient portés par un gouvernement, des institutions de santé, des Organisations Non Gouvernementales ou encore la presse traditionnelle, semble être devenue une sorte de réflexe naturel pour une part non négligeable de nos semblables. Cette enquête menée des deux côtés de l’Atlantique montre sans ambiguïté une forte pénétration des thèses conspirationnistes et autres fake-news dans nos sociétés.

Le point de vue de Thomas HUCHON, journaliste d’investigation et de documentaire, spécialiste des fake news et des théories complotistes.

« Je ressens un double sentiment bizarre à la lecture des résultats de cette enquête. D’un côté, ce que j’y vois ne peut pas me sembler surprenant au regard de ce que mon travail de journaliste me montre de la prégnance des thèses complotistes et des contre-vérités scientifiques dans les sociétés françaises et américaines. Et en même temps, une partie de moi-même ne l’accepte pas.

Ce qui est très intéressant dans cette étude, c’est qu’elle pose des questions précises sur une dizaine de sujets. Et les réponses qui y sont apportées montrent qu’il y a une forme de pénétration de ce type de discours qui est hyper importante des deux côtés de l’Atlantique. Quand on regarde par exemple la version américaine des résultats, on comprend mieux que s’il y a eu un Donald Trump président, c’est finalement parce qu’une partie des électeurs étaient déjà prêts à adhérer à des discours hallucinants. Et qu’avec la puissance et la segmentation des réseaux sociaux, il a été aisé de cibler des messages politiques très précis et très étudiés en direction de poches électorales identifiées au préalable, puis d’adapter en permanence ces messages.

Si l’on s’intéresse à la version française, un chiffre me semble dingue, celui des 31% de répondants qui considèrent que le gouvernement américain soutient la guerre en Ukraine pour couvrir les activités du fils du président, Hunter Biden. Mais combien de médias ont dans notre pays évoqué cette théorie à laquelle adhère pourtant un Français sur trois ? Est-ce que cela signifie que les messages portés par le mouvement d’extrême-droite américain QAnon ont à ce point pénétré notre société ? C’est, quoi qu’il en soit, très inquiétant.

Plus généralement, nous constatons, comme cela a été mis en exergue lors des premières assises des dérives sectaires auxquelles j’ai participé en mars dernier, une hausse continuelle des discours anti-scientifiques et pseudos médicaux, lesquels côtoient des discours complotistes et créent une porte d’entrée à différentes formes de radicalisations sectaires. C’est un phénomène très grave qu’illustrent notamment les résultats de cette étude de l’IFOP. Je pense qu’il est urgent et impératif que la société française prenne cette problématique à bras le corps. »

Les Chiffres clés

  • Les théories du complot constituent une “normalité” largement assumée en Amérique : plus de la moitié (55%) des Américains déclarent « croire » aux théories du complot, contre à peine un Français sur trois (35%).
  • Et dans le détail, le degré d’adhésion à divers contre-discours médiatiques ou scientifiques est systématiquement plus élevé outre-Atlantique, notamment dans la croyance dans l’atterrissage d’extraterrestres à Roswell (41% aux Etats-Unis, contre 23%en France), la manipulation de l’assaut du Capitole en 2020 (38%, contre 25%) ou la possibilité d’avorter avec des produits comme l’armoise (37%, contre 13%).
  • Les Américains ont aussi tendance à situer le niveau de connaissances de leurs concitoyens à un degré nettement plus élevé que les Français : 37% des Américains estiment que leur niveau de connaissances est supérieur à la moyenne des autres pays occidentaux, contre 15% des Français
  • Or, lorsqu’on teste son niveau de connaissances scientifiques, la société états-unienne affiche beaucoup plus de lacunes que la population hexagonale : 58% des Américains (contre 40% des Français) adhèrent à au moins une contre-vérité scientifique.
  • Sur les origines de l’homme par exemple, l’enquête révèle que deux fois d’Américains (39%) que de Français (19%) croient aujourd’hui au « créationnisme », c’est-à-dire que « Les êtres humains ne sont pas le fruit d’une longue évolution d’autres espèces mais ont été créés à partir de rien par une force spirituelle ».
  • Les idées « climato-sceptiques » (ou “dénialistes climatiques”) forment quant à elles un courant bien plus porteur outre-Atlantique : plus d’un Américain sur trois (36%) – contre un Français sur quatre (27%) – estiment que « le réchauffement climatique est davantage le fruit d’un phénomène naturel que le résultat de l’activité humaine »
  • En dépit des évidences scientifiques, le « platisme » trouve aussi un écho plus large autre-atlantique : l’idée selon laquelle on nous ment sur la forme de la Terre étant partagée par près d’un Américain sur six (16%) contre un Français sur dix (11%).
  • Reposant sur la théorie ufologique d’une construction des pyramides égyptiennes, l’« Alien Theory » affiche elle aussi un nombre d’adeptes deux fois plus élevé aux Etats-Unis (20%) qu’en France (9%), en particulier dans les rangs des personnes à faible niveau socio-culturel.

Cette étude a été réalisée par l’IFOP pour AMB-USA.fr :

  • Du 18 au 20 janvier 2023 auprès 1 113 personnes représentatives de la population américaine âgées de 18 ans et plus.
  • Du 26 au 27 janvier 2023 auprès de 1 018 personnes représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus.