Franck Riester souhaite défendre la rémunération du travail des artistes

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Franck Riester
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Franck Riester, ministre de la Culture “Je souhaite défendre la rémunération du travail des artistes. Il s’agit de changer les habitudes : je ne crois pas qu’il soit acceptable d’exposer gratuitement, parfois de payer pour être exposé. C’est pour cela que je forme la recommandation d’un droit de présentation publique.”

Franck Riester, ministre de la culture, a déclaré, lors de l’ouverture des 50e Rencontres de la photographie d’Arles : ” Je souhaite défendre la rémunération du travail des artistes. Il s’agit de changer les habitudes : je ne crois pas qu’il soit acceptable d’exposer gratuitement, parfois de payer pour être exposé. C’est pour cela que je forme la recommandation d’un droit de présentation publique.

Selon le ministre de la culture, seulement 10 000 d’entre eux sur les 65 000 rattachés au régime des artistes auteurs perçoivent un revenu supérieur à 1 430 euros en moyenne par mois depuis cinq ans… Trop peu s’en sortent bien, convient-il, puisque la majorité ” ne parvient pas à vivre de son travail artistique “. ” Je mesure la paupérisation des photographes ; la précarisation de leur statut ; la baisse de leurs revenus  “,  “Si certains, peu nombreux, s’en sortent bien, la grande majorité ne parvient pas à vivre de son seul travail artistique. Je le vois. Je l’entends.” Les vingt-trois centres d’art et les fonds régionaux d’art contemporain se sont, d’ores et déjà engagés rémunérer les artistes plasticiens. « Je souhaite que l’Etat et ses opérateurs donnent l’exemple sur ce point », a-t-il ajouté. Et se mettent donc enfin en conformité avec la loi.

Lire le discours du Franck Riester, ministre de la Culture, prononcé à l’occasion de l’installation du Conseil national des professions des arts visuels : Cliquez ici

Je veux que nous fassions émerger de meilleures conditions d’exercice de la profession de photographe. Cela passe, d’abord, par une meilleure rémunération. Le droit de présentation publique est une première étape. Les habitudes doivent changer. Le ministère de la Culture doit prendre sa part pour les faire évoluer. Parce qu’un photographe ne peut continuer à exposer gratuitement ses œuvres.” Franck Riester, ministre de la culture

Lire le discours de Franck Riester, ministre de la Culture, prononcé à l’occasion de l’ouverture des 50e Rencontres d’Arles : Cliquez ici

Dans la lettre de mission adressée à  Bruno Racine, conseiller-maître à la Cour des comptes et ancien président du Centre Pompidou et de la BNF, on y trouve un préambule sur l’état des lieux communs à l’ensembles des artistes-auteurs :

‒ Pauvreté, précarité, fragilité ;
‒ Relations inéquitables avec les diffuseurs ;
‒ Déficit de dialogue social (entre les représentants des artistes-auteurs et leurs diffuseurs, mais aussi entre les représentants des artistes-auteurs et les pouvoirs publics) ;
‒ Isolement et sous-information (voire désinformation) professionnelle ;
‒ Protection sociale incomplète ;
‒ Inégalité femmes/hommes ; constituent quelques-uns des points communs saillants à tous les métiers des artistes-auteurs.

Lire la totalité de la lettre de mission : Cliquez ici

Le revenu médian des artistes-auteurs est deux fois plus faible que celui des salariés. La répartition du revenu global des artistes-auteurs est structurée comme celle d’un pays sous-développé : plus de la moitié des artistes-auteurs se partage 10% des revenus, cependant qu’inversement 10% des artistes-auteurs se partage 45% des revenus. La classe moyenne est quasiment inexistante. La majeure partie des artistes-auteurs a des revenus artistiques inférieurs au seuil de pauvreté. L’économie de la culture se fait à la fois grâce et au détriment des artistes-auteurs eux-mêmes.

La gratuité reste la règle imposée aux auteurs des arts visuels par les diffuseurs publics ou privés. On continue d’observer une « tendance très forte des collectivités territoriales et structures publiques à ne pas respecter leurs droits patrimoniaux. Est notamment systématiquement négligé le droit de présentation publique que les diffuseurs refusent de rémunérer en faisant valoir l’intérêt que présentent l’accès au public et la visibilité offerte à un artiste, décisive pour sa carrière ». Cette tendance lourde, mentionnée en 2014 par la sénatrice madame Marie-Christine Blandin, n’a toujours pas été inversée.

Le développement mondial et non régulé de l’économie numérique se fait au détriment des auteurs de « contenus », notamment les auteurs des arts visuels.

On constate que les plateformes numériques américaines ont non seulement des parts de marché hyper dominantes en Europe ‒ 90% pour Google, 77% pour Facebook, 85% pour YouTube ‒ mais « pompent » légalement, sans contrepartie, la valeur générée par les créateurs et les acteurs européens du monde de la culture… Or les contenus culturels ont un fort impact direct sur la génération de revenus par Facebook (43% soit 1 milliard d’euros) et YouTube (66% soit 480 millions d’euros), plus modéré pour Google (18% soit 2,8 milliards d’euros).

Les concours et appels d’offres imposant un travail non rémunéré aux auteurs des arts visuels continuent de se multiplier.

On ne compte plus les concours ou « appels à contributions » qui demandent de fournir gratuitement des œuvres visuelles : concours de photos pour agrémenter les sites internet ou les brochures touristiques des collectivités territoriales, concours de logos, concours de conception d’œuvres d’art public pour « animer » des murs ou alimenter des festivals qui attirent les touristes et alimentent l’économie locale, etc.

Dans tous les cas, non seulement les auteurs ne sont pas rémunérés pour leur travail initial mais encore les droits d’auteur sont également bafoués par le biais d’un règlement imposé unilatéralement par le diffuseur-commanditaire. La cession à titre gratuit des droits d’auteurs est supposée être une prérogative personnelle de l’artiste-auteur, or elle est imposée collectivement par excès de pouvoir des diffuseurs.

Le développement de plateformes numériques qui « ubérisent » le travail, notamment des photographes, des illustrateurs et des graphistes.

Là encore l’absence de réglementation et de régulation porte grandement préjudice aux auteurs des arts visuels.

La France est le pays qui soutient le moins sa scène artistique

Pratiquement rien n’est fait pour favoriser la mobilité internationale des artistes qui vivent en France et/ou des œuvres produites en France. Force est de constater que les choix politiques du passé n’ont pas permis l’émergence, ni la mise en lumière de la richesse et de la diversité de la création en France, c’est-à-dire de la diversité des artistes, des parcours artistiques et des œuvres ; ni de la diversification des publics ; ni d’une dynamisation du marché de l’art…

Dans tous les PLF annuels plus de 95% du budget des arts visuels est dédié aux diffuseurs, publics ou privés, tandis que l’aide aux artistes représente annuellement 0,65% des crédits déconcentrés du secteur.

Les « petits » collectionneurs dont l’objectif n’est pas la spéculation ne sont pas fiscalement favorisés, contrairement aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou aux BIC (les BNC, donc les professions libérales, sont exclus de ce dispositif). On ne constate aucune réduction d’impôt accordée pour l’achat d’œuvres d’art par des particuliers ou par des membres de professions libérales. La principale source de revenu des plasticiens n’est donc nullement favorisée.

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Un jour peut-être dans notre beau pays de France,  les artistes-auteurs vivront peut-être, pleinement de leurs créations. Malheureusement aujourd’hui ils meurent doucement, sans considération. Affaire à suivre de très près.

Photo : Présidence de la République