Rouge
Rouge © Les films VELVET - Les films du FLEUVE

Rouge, le film de Farid Bentoumi, ouvre un débat qui va nous occuper dans les prochaines années et marquer profondément notre société, notre manière de vivre.

L’histoire :Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours. Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.

Entretien avec Farid Bentoumi

D’où vient Rouge ? De souvenirs personnels ? D’articles de presse ?

Farid Bentoumi : Au départ, j’avais imaginé une histoire semblable chez des éboueurs, un milieu qui n’est jamais traité au cinéma. Mais le milieu professionnel de la gestion des déchets est aujourd’hui très surveillé et contrôlé, il n’y a plus d’affaires de pollution, donc plus d’actualité. En me documentant sur ces questions de déchets, je suis tombé sur l’histoire de l’usine de Gardanne qui rejette ses déchets toxiques dans la Méditerranée, des boues rouges.

Cela fait plusieurs années que le gouvernement et la préfecture leur demandent d’arrêter de polluer la mer. Mais cette usine, c’est aussi 500 emplois à la clé, ce qui n’est pas rien dans un endroit comme Gardanne déjà marqué par le chômage.

Lorsque j’ai vu les photos de cette usine et ses boues rouges, j’ai trouvé ça très frappant en termes cinématographiques. J’ai transposé mon histoire dans ce type d’usine qui existe aussi ailleurs dans le monde. Je me suis ensuite beaucoup documenté sur d’autres histoires d’usines polluantes, d’autres destins de lanceurs d’alerte. Rouge n’est pas un documentaire, c’est une fiction, librement inspirée de différents faits réels.

Slimane, joué par Sami Bouajila, est un personnage intéressant parce qu’il est complexe: un homme sympathique qui commet des actions répréhensibles.

Farid Bentoumi : Il se bat mais sans maîtriser la finalité de son combat. Il croit se battre pour ses collègues, pour sa ville, alors qu’il subit ce que lui dicte l’usine. Dans mes films, il n’y a jamais de « méchants » ou de « gentils » tout d’un bloc, seulement des personnages qui ont chacun leurs raisons.

C’est important de ne pas donner au spectateur des réponses toutes faites. Moi-même, je n’ai pas réponse à tout. Lutter contre la pollution, bien sûr, mais quand les ouvriers de Gardanne disent qu’il faut leur laisser du temps pour trouver des solutions, on doit les entendre.

De même qu’il faut entendre le député du coin qui dit que ce serait une catastrophe sociale de fermer brutalement l’usine. Les syndicats commencent désormais à réfléchir la sauvegarde de l’emploi au regard des impératifs écologiques. J’aime bien partir du principe que les gens sont de bonne foi, y compris quand ils prennent des décisions qui peuvent sembler mauvaises.

Slimane et Nour sont d’origine maghrébine mais cet aspect n’est pas du tout problématisé dans le film.

Farid Bentoumi : Pour moi, c’est important qu’ils s’appellent Slimane et Nour, mais c’est tout aussi important qu’aucun signe extérieur ne les signale comme maghrébins ou musulmans. Dans les usines et chez les infirmières, il y a beaucoup de Maghrébins, donc mes personnages sont tout à fait crédibles sur ce plan-là, mais ils ne portent pas de marqueurs de leur origine.

Dans une séquence de mariage, on voit une grand-mère en habit traditionnel : on sait que c’est une famille maghrébine mais sans aucune ostentation. C’est important parce que je suis moi-même d’origine maghrébine mais je suis né en France, j’ai toujours vécu là, je parle peu arabe…

J’ai grandi en Savoie et quand on me demande mon origine, je réponds toujours très naturellement que je suis savoyard. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir des racines arabes, de la famille en Algérie. Mes personnages sont infirmière ou délégué syndical avant d’être maghrébins. Ce qui est malheureux, c’est qu’en 2020, il faille encore montrer que les Maghrébins ne sont pas là pour bouffer le pain des Français.

« On ouvre un vaste débat qui va nous occuper dans les vingt ou trente prochaines années et marquer profondément notre société, notre manière de vivre. » Farid Bentoumi

Un film de Farid Bentoumi avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette et Olivier Gourmet. Le 11 août dans les salles.

Rouge le film
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