Pan Nalin : Déesses Indiennes en colère

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Pan Nalin : Déesses Indiennes en colère
Pan Nalin : Déesses Indiennes en colère

Pamela, Madhureeta, Joanna, Laxmi, Suranjana, Frieda et Nargis , une bande de copine merveilleusement bien choisie !

Elles sont actives, indépendantes et libres. Des femmes indiennes d’aujourd’hui.  Réunies à Goa pour huit jours, elles se racontent leurs histoires d’amour, leurs doutes, leurs désirs. Jusqu’à ce qu’une nuit pas comme les autres remette tout en question…” Pamela, Madhureeta, Joanna, Laxmi, Suranjana, Frieda et Nargis , une bande de copine interprétée par des actrices merveilleusement bien choisie.

Alors que Pan Nalin travaille sur la préparation d’une nouvelle production, les actrices, les mettent au défi de faire un film avec des vraies filles : « Cela fait des années que nous attendons  que quelqu’un donne des filles une image autre que celle véhiculée par les films de Bollywood ! Venez avec nous, écoutez nos conversations ! » C’est ainsi que Pan Nalin a commencé à faire des recherches et à mettre en place la réalisation de “Déesses Indiennes en colère”. Le film est l’histoire de 350 millions de femmes indiennes vivant en ville et qui ont un niveau d’éducation important. Lors de la sortie du film sur les écrans indiens, de violentes polémiques se sont faites, le réalisateur a même reçu des menaces de mort, mais aussi le gouvernement qui a ordonné, lors de la sortie du film en décembre 2015, la coupure de plusieurs scènes.

Pan Nalin : Interview 

Pourquoi selon vous a-t-on besoin de voir, au cinéma, des histoires de femmes ?

Pan Nalin : Le monde moderne est un désastre qui a été généré essentiellement par des hommes. Ils ont créé à eux seuls les religions et surtout les guerres. Il est grand temps de donner maintenant leur place et leur chance aux femmes. Il faut écouter leurs histoires, partout dans le monde, et encore plus en Inde. Mais ce n’est pas un film contre les hommes. Il s’agit simplement d’un groupe de femmes qui font ce qu’elles font toujours lorsqu’elles se retrouvent ensemble : parler des sujets qui les préoccupent.

Un film avec des femmes pour seules héroïnes, est-ce difficile à financer ?

Pan Nalin : En Inde, c’est tout simplement infaisable. Les femmes sont jugées par les hommes, et chacun a une idée précise de la place qu’elle doit occuper, de sa fonction dans la société. Il apparaît comme évident pour tous les financiers qu’un film avec des femmes ne marchera pas au box-office. Comme me l’a dit l‘un d’entre eux très sérieusement : « Qui a envie de regarder leurs histoires ? Qu’elles dansent et qu’elles tombent amoureuses, c’est tout ce qu’on leur demande ! ». Seul Gaurav Dhingra, le patron de Jungle Book Entertainment, a eu le cran et l’envie d’y croire.

C’est surprenant qu’un homme se consacre à des histoires de femmes…

Pan Nalin : Oui, surtout en Inde, où les hommes dominent le milieu du spectacle. Les gens m’ont alerté : « Seul avec sept femmes durant des mois ? Tu vas mourir ! ». On m’a dit que j’allais perdre mon temps, mon argent, mon talent… Tout a commencé il y a quatre – cinq ans. Je me rendais compte que le cinéma faisait des films sur l’amitié masculine, jamais sur des femmes entre elles. Je me suis mis à les observer, dans les rues, dans les transports en commun, cela devenait une obsession. Un jour, je me suis retrouvé dans un café à Kolkata, assis à côté d’une table avec un groupe de filles. Au bout de quinze minutes, elles parlaient des problèmes qu’elles avaient à résoudre, uniquement en tant que femmes, et très vite, leur colère, leur émotion, étaient palpables. Je les écoutais si intensément qu’elles s’en sont rendues compte et me sont tombées dessus. J’ai essayé de leur dire que je préparais un film sur des femmes et elles m’ont ri au nez : « Jamais un homme n’aura le cran de comprendre, et encore moins de décrire, tout ce qu’on doit subir dans ce pays ! ». On a fini par discuter pendant plus d’une heure. Le film a été nourri de tout cela, et de la certitude que ces femmes entre elles constituent une force qui doit être montrée. L’inde traverse une transformation économique très rapide, qui vient se greffer violemment sur l’éternel conflit entre modernité et tradition. Les femmes indiennes sont au centre de ce conflit. Comment être de son époque, sans nécessairement envoyer promener toutes les valeurs traditionnelles ? Les femmes indiennes découvrent le pouvoir, le travail, l’autonomie, la maternité, l’amour, la famille, mais aussi le sexe, la violence, le viol. Il était temps qu’un film mette en avant leur nature, leur féminité, leur solidarité, leur complexité. Tout cela provoque en elle une flamme, une rage, que je voulais faire partager. C’était d’autant plus excitant à filmer que les femmes qui débutent au cinéma sont bien plus accomplies que les hommes. Elles savent tout faire : elles jouent, dansent, chantent, créent, elles sont une force. Il était grand temps de leur donner la place qui leur revient. Pour cela, rien de tel que le cinéma. Les images nourrissent les yeux. La musique parle au cerveau. Ensemble, ils forment des images qui s’adressent à l’âme.

Comment avez-vous travaillé avec vos sept actrices ?

Pan Nalin : Nous avons formé le groupe des sept puis chacune a travaillé longtemps en atelier avec le directeur de casting Dilip Shankar, afin de créer chaque personnage en détail. Chacune a été très impliquée dans l’élaboration de son personnage, c’était fondamental, mais cela n’a jamais été dit. Cela devait se faire naturellement. C’est-à-dire qu’on notait presque à leur insu, pour chacune, leur façon d’être, de faire, de parler, de bouger. De toute façon, je suis pour un cinéma organique, je ne veux pas que tout soit figé avant le tournage. J’utilise tout ce qui est devant moi : les actrices, les arbres, les plantes, la nourriture, les animaux, la météo, la lumière…

Le film démarre d’une certaine façon puis ne cesse, jusqu’au bout, de surprendre le public…

Pan Nalin : Ecoutez les histoires que les gens vous racontent. Elles prennent toujours des chemins inattendus. Nos vraies vies sont ainsi, imprévisibles, pleines de surprises. Le hasard, les circonstances, changent constamment nos plans et nous obligent à nous adapter. J’ai récemment rencontré, dans le nord-est de l’Inde, un comique qui faisait du stand-up et qui adorait son métier. Il y a quelques années, sa fille a été assassinée dans une bagarre entre armée indienne et séparatistes. Depuis, il est devenu terroriste et exècre ce monde qu’il aimait tant faire rire. Le film est une sorte de montagne russe dans ces émotions. Il y a de la joie, de l’amour, de la tendresse, mais aussi du chaos, des complications, de la colère, de la rage. Des femmes libres et sincères qui, sous nos yeux, vont se transformer en déesses, qui sont en colère.

Que voulez-vous que le public apprenne de ce film ?

Pan Nalin : Je ne donne pas de leçon, je ne suis pas professeur. Je cherche simplement à divertir et surtout à inspirer. Car lorsque vous êtes inspiré, vous êtes à même de recevoir. J’espère qu’après avoir vu le film, le public se sentira en connexion avec les femmes, en Inde et partout dans le monde.

Photo : ©ARP sélection

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