Jean Clemmer (1926-2001), « photo-graphe »

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    Tatiana Söll et Hélène Clemmer-Heidsieck présente à la Galerie Paris Exclusive une sélection des travaux de Jean Clemmer réalisés en collaboration avec Salvador Dalí. Cette exposition aura lieu en parallèle avec la rétrospective de Salvador Dalí au Centre Georges Pompidou. Salvador Dalí avec qui Jean Clemmer passait de longs moments de recherches artistiques (les mises en scènes, les Métamorphoses) depuis ce jour de 1962 où il était venu à Cadaquès frapper à sa porte. La naissance des « Métamorphoses » 1974 : vision surréaliste de la femme, a eu lieu le jour où Salvador Dalí lui demanda « Jean, pourriez-vous photographier une apparition ? ». Ce qu’il fît en superposant des diapositives avec comme toile de fond la femme son éternel sujet, mariée à la nature, à l’architecture, aux portraits de Dalí, ou à « La pêche au thon » oeuvre majeure du peintre. Toutes les « Métamorphoses » de Jean Clemmer autour de Salvador Dalí sont reconnues par la Fondation Gala-Salvador Dalí à Figueras et portent le copyright de celle-ci. Cette exposition présente aussi des photographies tirées de son livre « NUES » femmes nues habillées de Paco Rabanne (1969) ainsi que quelques sujets libres.

    Galerie Paris Exclusive- Jean Clemmer-2

    Jean Clemmer – Salvador Dali Picture Story

    […] En 1962, le Club Méditerranée me demande d’aller faire un reportage dans un village de vacances qui vient d’ouvrir à Cadaquès en Espagne. […] Ce paysage lunaire et complètement d’une autre planète me saute aux yeux, tant il fait partie intégrale de l’oeuvre de Dalí.

    J’apprendrai que c’est là, à Cap Creus qu’il a tourné en 1929 « L’Âge d’Or » avec son ami Buñuel et qu’on retrouve cet univers minéral dans une grande partie de son oeuvre. […] Quelques jours après, je me retrouve en train de sonner à la porte de sa maison de Port Lligat. Sa camériste vient m’ouvrir et me demande ce que je veux. Elle me tend alors un petit bloc où est inscrit « nom du visiteur, Objet de la visite ». J’écris simplement « Je ne suis qu’un simple passant qui voulait vous remercier de ce que vous faites. ». Elle s’en va avec le papier, laissant la porte ouverte. J’entends la voix de Dalí qui lui dit : « A la ocho de la tarde ». Il me donne rendez-vous le soir même à huit heures.

    J’arrive chez lui à l’heure dite, sans grande conviction, car je viens de faire quatre kilomètres à pied dans la montagne, surpris par un orage d’une rare violence et une pluie torrentielle, la route en grande partie défoncée, et moi, sans chaussure et trempé jusqu’aux os. Le temps que la bonne vienne ouvrir et je suis déjà au milieu d’une flaque d’eau, ne pouvant faire un pas de plus et tout en m’excusant, refusant d’entrer.

    Dalí alors arrive, demandant ce qui se passe, il m’ouvre les bras et m’accueille en souriant.

    – Vous êtes peintre ?

    – Non, pas vraiment. J’ai fait les Beaux-arts et mes recherches actuelles me poussent vers la photographie.

    – Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

    – Rien, mais j’aimerais faire des photos de vous.

    – Pour qui ? – Pour vous, pour moi, si c’est bien, pour Vogue, Harpers, Life. Alors Dalí : « Vous avez des idées ? »

    – Oui beaucoup, et vous aussi sûrement. Si à deux on n’y arrive pas alors on est des imbéciles.

    Il me prend par le bras. « Venez, je vais vous montrer le tableau », et il m’emmène dans son atelier. […] Il me montre alors sa dernière toile qu’il termine « L’Apothéose du Dollar » […] Nous passerons quarante minutes à parler, du temps qu’il fait, de l’orage passé, de Richard Wagner, des lavis de Victor Hugo, de la fin de l’été, des oursins, des olives, de la mer, du ciel, des femmes. […] Jean Clemmer Paris, mars 1998

    Entre Salvador Dalí et Jean Clemmer, le contact est immédiat, l’amitié réciproque, le fluide artistique donnera l’occasion de rencontres aussi délirantes que riches en résultats. Mais leur amitié les suivra jusqu’à la mort de Dalí en 1989.

    « Les Métamorphoses »

    Image étant le début d’imagination, la surimpression ou ce que les photographes appellent le sandwich, c’est la rencontre, le mariage, ou parfois le flirt entre deux images qui deviennent une complémentarité ou un tout. On dit que la photographie est un privilège. Privilège de capter un instant, un fragment de vie, un geste. Cocteau disait que la lune est le soleil des statues et qu’écrire consiste à mettre de la nuit en plein jour. On rejoint le mystère de la chambre noire d’où s’échappent les images qui s’y trouvaient enfermées. Le fait de fondre deux images en une seule est un rêve éveillé qui peut être de diverses essences, oniriques, érotiques, poétiques, voire surréalistes.

    Ainsi m’est venue l’idée d’en faire une suite de Métamorphoses où se croisent, se rencontrent, ou se choquent deux images destinées à n’en faire qu’une. Les clés n’ouvrant pas toutes les portes, il est des portes qui refusent de s’ouvrir ou de se fermer. En choisissant la clé des champs, qu’il me soit permis de remercier Nicéphore Nièpces et Lord Sandwich de m’avoir fait commettre ces quelques méfaits « photo-graphiques », issus comme chacun sait d’un film qui choisit la liberté en sortant d’une chambre noire qui le tenait séquestré. Ce jeu est un rêve éveillé et comme la « photo-graphie » nous en donne les clés, je considère le « photo-graphe » comme un être privilégié. À lui de choisir ses acteurs, ses saisons, sa lumière qui lui sont propres. À lui de marcher au plafond, de mettre le soleil à l’envers, de faire d’une femme une colline ou une statue de sel, de s’y promener, de s’y étendre, de mettre de l’eau ou il n’y en a pas, de supprimer les nuages, de faire l’ombre mauve et de s’y noyer pour un instant. Il était tout naturel de choisir la Femme pour ce genre de travail. Chaque homme a sa plage, la mienne est habitée par la Femme. C’est pourquoi j’ai choisi cet été d’arrêter ces quelques instants. Jean Clemmer Octobre 74 les premières « métamorphoses »

    Rencontre avec Paco Rabanne

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    En 1962, Jean Clemmer se rapproche de Paco Rabanne, alors jeune couturier sorti de l’école d’architecture des Beaux-Arts qui le séduit par son pouvoir de création entièrement nouveau et révolutionnaire mis au service de la mode féminine. Il lui empruntera pendant plusieurs années des vêtements, pour le plaisir de les photographier sur des jeunes mannequins qui constituent leur press-book. Les photos de Jean Clemmer circulent un peu partout, et certaines sont publiées. Un jour Pierre Belfond, jeune éditeur déjà célèbre demande à le rencontrer et lui propose de faire un livre de nus. On cherche en vain un thème, Jean Clemmer ayant beaucoup de photos qui sont plus de charme que de mode.

    Lors d’un déjeuner au « Petit Saint Benoît », il téléphone alors à Paco Rabanne qui vient les rejoindre pour le café et accepte de collaborer avec lui pour éditer un livre de nus, ses bijoux et accessoires étant un prétexte à habiller ou déshabiller les jolies filles qui sont dans les magazines de l’époque. Aussitôt les contrats sont signés, et Jean Clemmer, trois mois plus tard doit rendre son manuscrit, c’est-à-dire ses photos.

    Alain Bernardin, créateur et propriétaire du Crazy Horse Saloon, apprend le projet et leur offre le Crazy pour le cocktail d’ouverture avec ses danseuses habillées ou déshabillées en Paco Rabanne. A sa sortie en 1969, le livre est un grand succès, bien que dans certains milieux il soit jugé quelque peu vénéneux. Jean Royer, maire de Tours, le fait interdire dans sa ville. Ses administrés iront l’acheter à Poitiers ou à Orléans, ce qui sera une publicité supplémentaire pour ce livre qui n’en a jamais eu besoin.

    BIOGRAPHIE

    Jean Clemmer Né en 1926 à Neuchâtel Suisse / Mort en 2001 à Paris.

    1941/1945

    Fait l’École des Beaux-Arts de la Chaux-de-Fonds. Diplômé en joaillerie, il s’intéresse à la décoration, à la peinture, au dessin.

    1945/1948

    Vit à Genève, où il est décorateur au Grand Théâtre.

    1948

    Monte à Paris, découvre le « Tout Paris », se lie d’amitié avec Cocteau, Zadkine, Louise de Vilmorin, Jacques Fath, Marcel Rochas …

    1952/1956

    Dessins de textiles pour Pierre Frey, Knoll International, Roset. Rencontre avec Bernard Grasset, il exécute les premières annonces « des Livres de poche ».

    1962

    Il commence à s’intéresser à la photographie. Fait la rencontre de Salvador Dalí, une connivence, une amitié et un travail commun vont les accompagner pendant de longues années. Jusqu’à 1968 il passera de longues périodes à Cadaquès, ils réaliseront ensemble des mises en scène délirantes à la hauteur de leurs imaginations. Cette même année il s’approche de Paco Rabanne jeune couturier.

    1969

    Publie chez Pierre Belfond « NUES » avec Paco Rabanne.

    1970

    La société Canon lui offre une valise avec six objectifs. Exposition au Canon Center à Paris, puis Amsterdam et Tokyo.

    1981

    Exposition à Aachen Allemagne, Galerie Staatstheatre. 1970/1980 Réalise des reportages pour le club Méditerranée, Africatour, Swissair.

    1992

    Exposition Espace Dalí à Montmartre Paris. Fin des années 90

    Jean Clemmer sait qu’il est atteint d’un cancer, très fatigué il fera de longs séjours dans sa maison de Trouville-sur-Mer où il respirera le grand air tout en dessinant à la mine de plomb une importante série de croquis des plages de Trouville et Deauville.

    2000

    Exposition Georgetown / Washington.

    2001

    Espace Enviedart.com Paris.

    Exposition de dessins à la Galerie du Vert Galant Paris. Depuis le début des années 70 jusqu’à la fin de sa vie, Jean Clemmer se passionnera pour « les Métamorphoses », travail qui constitue à la fois son oeuvre majeure et la plus méconnue, sur les différents thèmes qui l’ont accompagné toute sa vie, Dalí, Paco Rabanne, la nature, l’architecture, thèmes qu’il associe à des corps de femmes nues, créant de véritables tableaux surréalistes. « Les Métamorphoses » concernant Dalí portent le © de la Fondation Gala-Dalí

    © H. Clemmer-Heidsieck. Droits à l’image de Salvador Dalí réservés. © Fondation Gala-Salvador Dalí Figueres 2012.

    • EXPOSITION : du 15 novembre 2012 au 19 janvier 2013

    GALERIE PARIS EXCLUSIVE – 2, rue des Grands Degrés 75005 Paris