Urgence-Madagascar
Urgence-Madagascar - Ifotaka, Amboasary district, Anosy region, 9 November 2020 - WFP/Tsiory Andriantsoarana

Urgence Sud Madagascar : Entre famine, migration et illusion d’une vie meilleure, les ONG, décrivent une situation d’une gravité inédite !

Madagascar : Une assistance alimentaire d’urgence !

Après trois années consécutives d’une terrible sécheresse provoquant une terrible famine, le sud de Madagascar est au bord d’une catastrophe humanitaire. Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies estime que 1,5 million de personnes ont besoin d’une assistance alimentaire d’urgence. Les ONG qui décrivent une situation d’une gravité inédite depuis longtemps.

Dans le Grand Sud malgache, les bouleversements en cascade engendrés par une succession d’épisodes d’inondation et l’absence de pluie en trois années consécutives prennent une tournure dramatique. La période de soudure s’achevant habituellement aux alentours du mois d’avril s’éternise. L’insécurité alimentaire est devenue critique dans ces zones désertiques.

À Bekily, Amboasary et Ampanihy, les zones les plus durement touchées par la sécheresse, le déficit de pluie atteignait même les 34 %. De la ville de Tuléar, à l’ouest à celle de Fort-Dauphin au sud-est, la pluie n’est pas tombée depuis le mois de janvier 2020. La pluviométrie cumulée n’a été, que d’octobre 2019 à juin 2020, qu’en moyenne de 19 %,

Évidemment, cela a eu pour conséquence de mettre à mal les récoltes, mais a surtout drastiquement limité l’accès à la nourriture. À mesure que la période de soudure évolue, le nombre d’enfants atteints de malnutrition augmente d’une façon alarmante. Dans certains districts, comme Amboasary Sud, la situation est telle qu’elle a aussi entraîné une importante vague de migration interne.

Madagascar Fenoaivo
Madagascar, Fenoaivo, Amboasary district, Anosy region, 9 November 2020 – Photo: WFP/Tsiory Andriantsoarana
Une période de soudure qui a commencé relativement tôt

En 2021, la période de soudure a débuté tôt, faisant suite à trois années de sécheresse consécutives. Depuis janvier 2017 où le phénomène El Niño plongeait déjà le pays dans la famine. les épisodes d’aridités se sont fortement multipliés. Le déficit de pluie a inévitablement impacté la sécurité alimentaire de cette région du pays, laissant les villageois – majoritairement cultivateurs – sans récolte.

Des revenus et des denrées complètement épuisés

Si certains ménages ont stocké des denrées alimentaires, celles-ci ont commencé à s’épuiser dès le mois de septembre 2020. Par ailleurs, le contexte sanitaire, fortement marqué par la pandémie du Covid-19 n’a fait qu’aggraver les choses en supprimant, tant les emplois saisonniers que les diverses sources de revenus relatives au tourisme.

Une famine qui dénote par sa sévérité extrême

La famine, le « kéré » en malgache frappe d’autant plus durement les habitants que même les fruits de cactus qui permettaient aux gens de survivre avant les récoltes ont été recouverts, avec les terres arables, par de violents vents de sable.

Survenant de façon récurrente dans le sud de l’Île depuis 1896, cette famine ressemble aux précédentes, mais dénote toutefois par sa grande sévérité. D’ici décembre 2021, des études avancent un chiffre de 204 000 personnes à un niveau d’urgence absolue, dont 27 134 sont des enfants.

Des estimations qui reflètent la difficulté du pays à surmonter les effets du changement climatique. Or, les enjeux climatiques sont justement des facteurs aggravants. Concernant cette région semi-aride de l’île, le GIEC prévoit encore une hausse de températures de l’ordre de 6,5 °C, à moins que l’on ne parvienne à infléchir la courbe d’émission de CO2 par pays.  Madagascar figure parmi les pays les plus vulnérables au dérèglement climatique.

« La faim et la malnutrition que nous constatons sont le résultat de trois années de récoltes perdues. Les familles de ces régions touchées par la sécheresse tentent désespérément de survivre. Elles vendent leurs biens les plus précieux, tels que le bétail, les outils agricoles et les ustensiles de cuisine », déclare Moumini Ouedraogo, Représentant du PAM à Madagascar.

La malnutrition : une lutte quotidienne pour la population du sud de l’Île

Si les épisodes de « kéré » ne sont ainsi pas nouveaux dans le pays, le dernier en date qui a débuté en mai 2020, est toujours d’actualité. Avec les rizières à sec et le sol qui durcit, impossible d’y faire pousser les plantes saisonnières que ce soit du manioc, du haricot, du maïs, ou de la patate douce…

Pour se nourrir, les familles sont ainsi obligées d’user de stratégies de dernier recours et s’en remettent aux racines et aux cactus pour survivre. D’autres mélangent de l’eau et de l’argile avec du tamarin pour tromper la faim.

Avec les sources qui se  tarissent, même la consommation d’eau est rationnée. Trouver de l’eau impose à beaucoup, de marcher des kilomètres. De plus, pour les écoliers, l’épidémie de Covid a contraint les écoles à fermer, les privant de toute chance d’avoir au moins, un repas quotidien.

Une migration massive des familles vers les centres urbains

Dans toute l’île, on s’inquiète pour l’avenir sur les conséquences de l’inexistence de productions agricoles. Des conséquences se traduisant notamment par la flambée des prix du riz, ainsi que ceux des produits de nécessité, dont essentiellement le savon, l’huile ou le sucre…

On n’avait rarement observé autant de familles quitter leur terre natale. Et pour cause, les us et coutumes de la région veulent que les morts soient toujours enterrés sur leur terre natale. C’est le cas, entre autres, pour l’ethnie Antandroy. Les locaux craignent surtout de partir par peur du mauvais sort ou par crainte d’être séparés de leurs familles.

Mais la famine étant tellement dure à supporter cette année, qu’un phénomène de migration massive a gagné tout le grand sud. D’habitude, quand certaines régions sont en difficulté nutritionnelle, les autres sont en mesure de venir en aide en ravitaillant, et inversement. Mais cette fois-ci, quasiment toutes sont concernées en même temps, ne laissant aucun autre choix aux habitants que de partir.

« La situation dans le sud du pays exige une réponse urgente. Les gens n’ont plus rien à manger, nous devons les aider avant qu’il ne soit trop tard. Mais pour cela, les donateurs doivent apporter un soutien urgent, dès maintenant » M. Ouedraogo.

3/16 des centres de santé de base en alerte nutritionnelle

Selon un document du Programme alimentaire mondial ou PAM Madagascar, la gravité de la situation à Amboasary Sud comparativement à 2019 est particulièrement inquiétante. Cette constatation part du fait que sur 32 Centres de Santé de Base ou CSB, 3 communes sur 16, sont en état d’alerte nutritionnelle, tandis que 6 sur 16 sont en urgence nutritionnelle.

Une source fait état que des milliers d’enfants ont été retiré du système scolaire, en raison notamment, de l’inexistence de vivres dans les foyers. L’abandon scolaire s’explique également par le fait que dans l’espoir d’avoir une meilleure situation, des familles entières migrent vers les centres-villes.

Pour financer leurs trajets, ces foyers mettent en vente les quelques biens qui leur restent, comme les marmites, les ustensiles de table et de cuisine, mais aussi, la plupart du temps, de tout leur bétail. Et après un long périple de plusieurs heures, voir de plusieurs jours, hommes, femmes, enfants arrivent en masse à la gare routière Maki.

Près de 50 personnes par jour débarquent à la gare routière

La police locale indique que près d’une cinquantaine de familles y débarquent au quotidien, et cela depuis de longues semaines. Mais il est toutefois, difficile de se prononcer sur le nombre exact d’arrivant, ceux-ci ne faisant l’objet d’aucun recensement. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils se retrouvent hors de leur région, hors de chez eux, et qu’ils qu’ils découvrent, Antananarivo.

Si pour certains, Tanà est leur destination finale, pour d’autres, le trajet ne se s’arrête pas là, car ils doivent encore prendre un autre moyen de locomotion, pour aller s’établir dans les villes côtières.

Quoi qu’il en soit, tous ont quitté leur lieu de vie,  dans l’espoir de gagner un peu d’argent. Les plus chanceux trouveront peut-être du travail comme chauffeur ou cultivateur.

L’argent ainsi gagnée servira à faire vivre la famille, mais aussi  de l’envoyer aux parents et enfants restés dans les villages. Ils pourront ainsi s’acheter un peu de quoi se nourrir.

Dans ces villages, et malgré toute la volonté du monde, ces habitants sont impuissants face à cette calamité. Il n’y a pas que les êtres humains et les plantes qui meurent, les bêtes une à une,  succombent aussi.

Un petit détour dans l’histoire de la famine à Madagascar

D’après un chercheur de l’Université de Tuléar, c’est en 1922 qu’a eu lieu le tout premier mouvement de population dans cette région du sud. Ces déplacements ont notamment découlé, des ravages occasionnés par les cochenilles introduites par les colons français. Ces dernières ont totalement envahi l’extrême-sud de l’île, grignotant, sur leur passage tous les cactus. Ces plantes sont un des aliment essentiels aux habitants, avant les récoltes.

Toujours d’après la même source, la famine dans le sud a commencé en 1896. Mais il y a déjà malheureusement trop longtemps, que la faim n’est plus une urgence mais un mal chronique qui perdure.

Pourtant, des millions de dollars ont été dépensées pour financer des programmes de développement, mais qui n’ont laissé peu de traces durables sur le terrain. Le président Andry Rajoelina, a lui promis de gagner face au Kéré et à la malnutrition. Le chef de l’Etat qui a rencontré les représentants des agences des Nations unies et des donateurs bilatéraux pour discuter des moyens d’urgence nécessaires pour arracher le sud de Madagascar à son triste sort.

Texte by The Holy’s Treatment pour artsixMic