Bande de Filles un film de Céline Sciamma

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Bande de Filles
Bande de Filles

En salles mercredi prochain, “Bande de Filles” le troisième film de la réalisatrice Céline Sciamma, est peut être une juste représentation de la diversité d’un autre cinéma français. Sujet par excellence, la banlieue, ses clichés et autres dérives dont elle souffre en permanence, avait besoin de nouveaux portes paroles afin d’ouvrir d’autres débats et de poser sur elle un autre regard.

De nouveaux yeux, de nouveaux souffles pourraient peut être un jour lui permettre de s’imaginer un futur, d’espérer un horizon autre que les murs des cités. La vie des filles en banlieue est loin d’être rose: elles doivent faire preuve non seulement de courage, d’audace et d’intelligence, mais conserver sans cesse en leur fort intérieur cette petite flamme, cet espoir qui nourrit leur envie d’aller voir ailleurs, de s’émanciper de cette vie, un sacré challenge!.La cité, la banlieue, ce sont des cours des miracles, où chaque jour, des vies peuvent être anéanties, sombrer, partir en fumée, sans le moindre bruissement, sans la moindre attention et sans laisser le moindre souvenir. La vie et l’avenir de chacun, ne tient qu’à un fil, dans ces territoires imaginés, créés puis oubliés par un monde inégalitaire et surréaliste. Mais parfois, à force d’apprentissage, à force de vouloir s’en sortir, de vouloir vivre autre chose, des miracles peuvent survenir et faire que des vies deviennent des réussites. Bande de filles est en tous les cas, un film qui a le mérite de mettre en scène et à l’affiche des filles issues d’un casting sauvage et qui, peut être, sera pour elles, la chance de faire basculer leur vie!

L’histoire : Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.

Entretien avec Céline Sciamma

L’origine du projet ?

Le désir premier, ce sont les personnages. Ces filles que je croisais dans le quartier des Halles, dans le métro, à la Gare du Nord. En bande, vivantes, dansantes. En allant chercher plus loin, sur leurs Skyblogs, j’ai été fascinée par leur esthétique, leurs styles, leurs poses. Au-delà de cette énergie séduisante, il y avait avec ces personnages la présence d’enjeux forts et intimes au cœur de mon projet de cinéaste: la construction du féminin avec ses pressions et ses interdits, l’affirmation des désirs, le jeu avec les identités. À travers elles, je voulais poursuivre mon travail autour des questions de jeunesse et du récit initiatique, mais dans un précipité de contemporain, ancré dans une réalité française, politique. Ces personnages singuliers portaient en eux la promesse du portrait mais aussi celle d’une fiction en tension dans une dynamique romanesque. Si leur histoire est générationnelle et très française dans son ancrage, elle s’inscrit également dans une mythologie de cinéma. Celle d’une jeunesse soumise aux interdits et que l’on peut raconter aujourd’hui en France avec ces filles des quartiers.

Vous êtes-vous documentée pour écrire le scénario ? J’ai écrit le film comme les précédents, sans me laisser intimider par la question de la légitimité, ou du prétendu sujet de société. Sans immersion quelconque ou lectures particulières. L’enjeu du film est classique : c’est le portrait d’une jeune fille dans son aspiration à vivre sa jeunesse face à l’adversité. C’était le cœur même du projet de ne pas vouloir envisager ces filles comme des altérités qu’il allait falloir apprivoiser. Mais de les regarder comme des personnages aux enjeux intemporels, pris dans leur époque. Pour autant j’étais obsédée par la justesse du propos, et j’ai soumis le scénario en tremblant à mes interprètes comme à un comité d’expertes. Ce sont elles qui m’ont donné le feu vert. Et ce sont elles que j’ai documentées : leurs corps, leurs attitudes, leurs contrastes, leurs visages.

Vos interprètes ?

Karidja Touré s’est imposée pour jouer Marieme/Vic. C’était le rôle le plus difficile à attribuer, car il réclamait une grande solidité. Le personnage est de tous les plans du film sans exception. Avec ce paradoxe de l’héroïne, qui doit être inoubliable et singulière, tout en étant une page blanche. L’objet de l’identification et de toutes les projections. D’autant que Marieme traverse des identités et des états multiples avec la contrainte de plusieurs visages. Elle démarre enfant, s’affirme jeune femme, devient virile. C’est un défi immense pour une comédienne, d’autant que Karidja n’avait jamais joué. Nous avons fait un gros travail de construction des différentes étapes du personnage, à travers les costumes et les coiffures. Karidja en une journée pouvait endosser les trois visages de Marieme/Vic. Elle a une capacité de travail, de concentration et d’écoute très grande. Elle prête son corps et sa voix à l’interprétation du metteur en scène, avec confiance. Les acolytes de Vic avaient des partitions plus radicales. Et nous les avons choisies en conséquence.

Assa Sylla s’est imposée pour jouer Lady, avec son charisme, son physique de danseuse, son élégance. Elle savait convoquer l’autorité nécessaire pour endosser le rôle du leader, tout en ayant une grande sensibilité nécessaire à l’ambiguïté du rôle.

Lindsay Karamoh m’a séduite par son humour avec un débit et une intelligence du verbe rare. Le personnage d’Adiatou était au cœur du dispositif des scènes qui réclamaient de l’improvisation, il nous fallait trouver une nature comique.

Marietou Touré endosse le rôle du personnage le plus mystérieux de la bande, le plus mutique, Fily. Pour cela, il fallait une pure présence. Elle a cette chose miraculeuse : de l’attitude en toute circonstance.

Chez toutes, il y avait une grande énergie combative, doublée d’une part d’enfance. Un fond de mélancolie, de fragilité et de tendresse, qui était l’alliage que je souhaitais pour le film.

Comme dans vos deux films précédents, et plus que jamais, vous filmez la banlieue.

Oui, c’est mon terrain de prédilection. Sans doute parce que j’en viens, que ce sont des espaces que je connais et que j’affectionne. Mais aussi parce que la banlieue parle de la périphérie et donc de la marge. Le film s’est tourné principalement dans le 93 : Bagnolet, Bobigny. Et puis à La Défense. Les espaces ont été choisis pour leurs qualités de déambulations, leurs lignes de fuite. J’avais envie de rendre les propriétés graphiques de ces quartiers. Dans une mise en scène qui ne jouait pas les codes de l’immersion : une caméra sur pied, le Scope, des travellings, des plans séquences, une image engagée du côté de la couleur.

Dans cette même dynamique, tous les intérieurs des appartements sont en studio, construits, réinventés. Pour permettre une intervention maximale sur les couleurs. Et pour avoir tout le recul nécessaire, la place de la mise en scène.

Le film nous fait entrer et sortir du groupe, pourquoi ce choix ?

Le film s’appelle Bande de Filles, mais il se concentre en réalité sur un personnage central, dont on ne quitte pas le point de vue. L’enjeu de l’amitié comme acte émancipateur est central dans Bande de Filles comme dans mes films précédents. La séduction du groupe est forte pour le personnage et pour le spectateur. La tristesse de le quitter aussi. Mais le trajet identitaire de l’héroïne, s’il est peuplé, demeure solitaire. C’est là que le destin s’accomplit, que le film prend son sens. Vic va au bout de l’exploration des identités qui s’offrent à elle : la soumission, l’affirmation par le groupe, la violence libératrice, une féminité exubérante, une virilité rassurante. Elle les épuise, une à une, pour pouvoir s’inventer.

Rihanna ?

Dès la première version du scénario, la scène de danse dans la chambre d’hôtel était écrite et chorégraphiée pour la chanson « Diamonds » de Rihanna. Avec l’espoir et le doute de pouvoir l’obtenir. J’avais envie de la puissance fédératrice du tube. « Diamonds » est une chanson profondément d’aujourd’hui mais qui a la vertu du classique instantané. Nous avons tourné la scène avec un accord de principe de la maison de disques, mais il a ensuite fallu convaincre l’entourage de Rihanna. Ils ont jugé sur pièce, en regardant la scène : c’est elle qui les a convaincus.

Céline Sciamma

Céline Sciamma
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Karidja Touré: Marieme/Vic
Assa Sylla: Lady
Lindsay Karamoh: Adiatou
Marietou Touré: Fily
Idrissa Diabaté: Ismaël
Simina Soumare :Bébé
Cyril Mendy: Djibril
Djibril Gueye: Abou

Réalisation: Céline Sciamma

Musique : Para One
Production : Bénédicte Couvreur

Pays: France
Durée: 1h52

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