Renaud Poulard “Les hommes de l’art” à la Galerie Imagineo

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    Renaud Poulard
    Renaud Poulard

    Bien qu’intitulée « Les hommes de l’art », aucune présence humaine n’est visible dans cette série photographique de Renaud Poulard. Il est ici avant tout question de signes, d’indices, de marques. D’espace et de lumière. Rien de frappant, rien de spectaculaire : la démarche du photographe, entre recherche plastique et documentaire social, apparaît graduellement, délicatement. Comme si, à mesure que la clarté pénétrait ces espaces désertés, une construction mentale se mettait en place, pour faire affleurer un questionnement multiple.

    Renaud Poulard a pris le prétexte d’un lieu chargé d’histoire (un château) en cours de réhabilitation à des fins muséales, pour en effet questionner l’image à travers une radiographie de la lumière, du vide, de la mémoire. A l’instar – mais pas à la manière – de Stéphane Couturier, ou de Jeff Wall -, il s’attache également à révéler les traces de l’intervention humaine dans un lieu de travail, et ce qu’il en résulte.

    Il entame ainsi par ce biais un dialogue entre forme et narration photographique, avec une certaine distance et une économie de moyens. C’est la notion de « trace(s) » qui est au coeur de ce travail : Renaud Poulard se l’approprie à la manière d’un archéologue.

    En installant sa chambre photographique sur ce chantier au moment où celui-ci est vidé de ses artisans et ouvriers, il fige un lieu. Sans rien toucher. Sans rien déplacer. Avec la rigueur et la neutralité d’un scientifique. Et c’est presque même comme pour une scène de crime qu’il isole dans une lumière froide, mais à la fois douce et étrange, échafaudages, outils, bâches, gravats, etc.

    Il compose un «entre-deux » temporel, un univers parfois proche de la fiction, mais bel et bien ancré dans le réel. Les indices tangibles nous renseignent progressivement sur l’enjeu et le déploiement du travail humain dans cet espace. C’est aussi une allégorie qu’il nous est donnée à voir.

    Renaud Poulard sonde plusieurs strates, dégage puis agglomère sur chaque image différents moments : l’histoire du lieu, les stigmates de l’intervention humaine, l’autonomie des outils et objets dans l’espace, le cheminement de la lumière, et le filtre photographique en lui-même. Par son regard, chaque espace saisi devient tour à tour installation d’art brut ou contemporain, coulisse d’une pièce de théâtre, plateau de cinéma abandonné. Il utilise son appareil photographique à la manière du pinceau de l’archéologue. Il met à jour plusieurs couches, qui sont autant de possibles, de pistes, voire de scénarios que nous pouvons faire nôtres. C’est un constat visuel scientifique, voire clinique, mais où la liberté de notre regard et de notre esprit n’est entravée d’aucune certitude, d’aucune injonction.

    Le classicisme du lieu, l’histoire inscrite dans les détails de son architecture entrent en dialogue avec le caractère actuel du matériel et des matériaux momentanément laissés dans cet espace. Ces derniers prennent possession de l’espace, y inscrivent leur propre histoire, leur propre réalité en même temps qu’ils témoignent du travail humain, de l’engagement de ces « hommes de l’art » pour donner une nouvelle vie à ce lieu.

    Dans cette série, Renaud Poulard rend un triple hommage, sans effets ni anecdotes, à l’histoire, au travail de l’homme et à la lumière. Dominé par des nuance de gris, ses images sont ponctuées de touches de couleurs vives, d’aplats plus doux, donnant relief et graphisme à ses compositions. Elles constituent peut-être avant tous les preuves de l’interaction entre l’homme et son environnement. Il constate, cadre, accompagné par la seule lumière. Complice. Nous devenons alors à notre tour les explorateurs du lieu.

    Renaud Poulard

    Né en 1968, Renaud Poulard vit et travail à Marseille.

    Ses années de résidences en Libye puis en Corse ont baigné sa jeunesse de lumière méditerranéenne. Depuis, il ne cesse de rechercher les traces de cette impression rétinienne. Après des études d’Art appliqué à l’Ecole Duperré, comme plasticien, il est lauréat du concours d’admission aux Beaux Arts de Paris mais néglige d’aller voir si son nom figure sur la liste. Il entre alors dans l’une des premières agences de conception lumière en France. Choisissant de retourner au bord de la Méditerranée, il crée l’agence Terres d’Ombre en 1997 et propose depuis des études de mise en lumière aussi bien pour les espaces publics que pour les architectures intérieures.

    Pendant toutes ces années, son travail personnel se concentre surtout autour de ses voyages, par la réalisation de carnets. Laissée de côté, la photographie revient dans sa vie sous la forme d’un vieux 6X6 et de rencontres décisives avec Bruno Barbon, Bruno Barbey ou Martine Montegrandi. Il livre ici, à la Galerie Imagineo, sa première exposition photographique.

    Galerie Imagineo