Patrice Novarina “Archisculptures et autres dérives”

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    Patrice Novarina

    Un bout d’idée n’abolira jamais le hasard. Partant de ce postulat, l’artiste Patrice Novarina, a conçu une exposition événement qui prend place dans le cadre classique de la Folie Desmares. Encouragé dans sa pratique artistique par Jean Dubuffet, Patrice Novarina revisite l’art brut comme un poète.

    Préface I de Geneviève Jurgensen

    L’art de Patrice Novarina est aux antipodes de la récupération, du recyclage. Il ne s’agit pas, comme le voudrait son époque, de donner prosaïquement une seconde vie aux choses, d’éviter le gâchis. Il ne s’agit pas non plus de détourner l’objet de sa destination, pour le propulser vers l’absurde et l’insignifiant dont pourrait jaillir une sorte de poésie. Il ne prétend pas davantage rendre une quelconque dignité voire grandeur aux résidus de l’utilitaire. Par l’assemblage des éléments, par la recherche de leur délicat point d’équilibre, par l’irruption des couleurs, Novarina donne simplement une chance au silence, en une démarche spirituelle qui repose sur l’attente et la confiance.

    Trouvailles ou retrouvailles, ces rencontres avec des vestiges de matériaux? Son œuvre cherche l’équilibre entre la maîtrise et l’effacement. Tandis qu’architecte, il veille à porter à son summum l’ingéniosité de chaque élément, sculpteur il leur laisse l’initiative d’exprimer une réalité immatérielle. « L’art contemporain veut surprendre, note Patrice Novarina. Je préfère être surpris. »

    Novarina ne ramasse pas, il cueille, et il ne travaille pas avec des objets trouvés mais avec des bribes choisies pour un faisceau de motifs qui autorisent à parler de rencontre. Ainsi n’oublie-t-il jamais où fut récoltée une pièce ; il aime en connaître ou en deviner l’usage premier et cultive le temps nécessaire pour qu’elle trouve sa place et son rôle.

    Le respect des éléments conduit aussi Patrice Novarina à les installer dans une échelle presque intime. Haut comme un grand enfant ou un petit adulte, « L’observateur » prend cependant, pour le baby footballeur qui l’habite, la mesure d’un immeuble. Battue par le vent comme un fanion, la « Célébration pétrolière » plonge dans l’immensité des temps géologiques par le biais du bleu des profondeurs. « L’inquisiteur » monochrome ne toise pas du haut du tribunal, il ausculte, tout proche. Et « L’oeil de Caïn » ne serait que conscience immobile si l’érotisme qui le fascine ne l’inondait de sang bouillonnant.

    Une œuvre à elle seule imprime son mouvement à toute l’exposition, celui de la « Sculpture aux cinq titres », mécaniquement relancé toutes les dix minutes comme il pourrait l’être tous les dix siècles. Car le mouvement n’est pas l’action, ou alors les sculptures seraient des robots, il est la vie. Cette vie devant laquelle, quand il trouve au fond d’une rivière un éclat de tôle pliée, Patrice Novarina s’efface, curieux dit-il de son « extraordinaire effet ressort » et de « l’équilibre instantanément trouvé avec un fer cornière ».

    Treize années après sa première exposition à Chatillon, Patrice Novarina a encore dilaté sa capacité d’émerveillement. Toujours réticent devant les pièges du savoir-faire, il entre en résonance avec ses trouvailles, moins enfant, moins « préhistorique » selon ses propres termes, mais plus simple, plus direct, et nous permettra-t-il de dire, plus mystique. Ou peut-être seulement plus sensible au mystère, ce qui suffit pour approcher des œuvres dont il voudrait nous faire croire qu’elles ne lui doivent rien. Geneviève JURGENSEN

    « Archisculptures et autres dérives » à la Folie Desmares de Châtillon

    Il existe une longue tradition d’architectes pratiquant, au-delà des « dessins d’architecte » (qui peuvent constituer d’ailleurs de véritables œuvres d’art !), une autre discipline artistique, peinture (surtout), sculpture et, même, musique.

    Mais conjuguer autant de talent dans les différentes disciplines est une situation beaucoup plus rare.

    On peut penser que la fréquentation des artistes qui travaillaient aux côtés de son père, l’architecte Maurice Novarina, Membre de l’Institut, dans des réalisations qui ont marqué l’histoire de l’art et de l’architecture, je pense tout particulièrement aux églises du Plateau d’Assy ou d’Audincourt, n’est pas pour rien dans cette double vocation.

    La rencontre avec Jean Dubuffet, « inventeur » de l’art brut, une forme d’art qui nous est familière à Châtillon, à travers les artistes de La Fabuloserie d’Alain Bourbonnais ou la récente exposition de la collection de Ceres Franco, est, à coup sûr, un autre élément déterminant de cet itinéraire hors des sentiers battus.

    “Archisculpture“, comme il dénomme une partie de son œuvre, n’est certainement pas un intitulé de hasard : il s’agit bien, dans tous les cas, de s’approprier l’espace mais avec une liberté et une signification que ne permet pas l’œuvre architecturale, à la fois absurde (au sens du “politiquement correct“ en vogue) et poétique.

    Car cette œuvre, où la couleur est partout présente, est, pour son créateur, à l’origine d’une réflexion (d’archéologue, comme il se plait à le dire) sur le monde qui est le nôtre, avec ce qu’il faut de “décalage“ pour laisser, au spectateur, cette part de rêve et d’interprétation qui est la finalité de l’art.

    Les Novarina ne sont des inconnus à Châtillon : nous y avons accueilli son frère Valère, auteur dramatique, quand la galerie d’exposition de la Folie Desmares était “chapelle“ (héritage de l’établissement religieux qui l’avait occupée pendant un siècle) dédiée au théâtre ; quant à Patrice, comme architecte il a réhabilité le dépôt de candélabres de la Ville de Paris, devenu Espace Maison Blanche, et construit un (remarquable) immeuble de bureaux : mais c’est déjà son œuvre plastique qui a fait l’objet, en 2000 à l’Espace Maison Blanche, d’une exposition, avec Alain Pauzié.

    C’est donc avec un grand plaisir et beaucoup de curiosité que nous accueillons à la Folie Desmares cette exposition de Patrice Novarina qui assemble la matière ou les objets bruts (souvent de récupération) pour les métamorphoser en œuvre d’art. Jean-Pol HINDRÉ Architecte 1er Adjoint au maire de Châtillon, délégué à la culture

    Sculpture - Vue du secteur central
    Sculpture – Vue du secteur central (H 140)

     

    La Folie Desmares

    • 17, rue de la Gare
    • 92320 Châtillon