Chaumet : La “Promenade bucolique”

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C’est à l’emplacement de « L’Arcade » Place Vendôme, boutique inaugurée par Chaumet et qui servait de lieu d’exposition d’objets anciens, qu’un musée éphémère a ouvert ses portes le 14 septembre 2015 et proposera tous les 6 mois une exposition qui permettra de découvrir un nouvel aspect du patrimoine de la maison. Situé au rez-de-chaussée, l’exposition pourra donc être parcourue par de nombreux visiteurs.

«L’idée de ce nouveau musée est de lever le rideau sur notre patrimoine et notre histoire qui n’est pas aussi connue qu’elle devrait l’être», explique Jean-Marc Mansvelt, PDG de la Maison Chaumet depuis janvier.

« Promenade bucolique » présente un dialogue entre créations contemporaines spécialement conçues pour l’occasion et bijoux plus anciens, de la période romantique aux années 80, reprenant le thème cher à la maison de joaillerie : le naturalisme illustré par des pierres, des dessins, des collections anciennes, des photographies et des éditions limitées jusqu’alors peu exposés aux yeux du public.

« Depuis le début, la nature a toujours été un composant essentiel des créations de la Maison. On peut y retrouver des motifs d’aubépine, de gerbes de blé, de tiges d’herbes, de feuilles d’acanthe ; c’est le reflet de l’esprit naturaliste adopté par les arts décoratifs au 18ème siècle, qui est considéré comme le sommet du goût français », explique Béatrice de Plinval, curatrice du Musée Chaumet et des archives.

« Certains des dessins sont extrêmement réalistes et poétiques, réalisés avec une précision comparable à celle des études botaniques. La Maison dispose également d’archives photographiques très riches, datant des années 1880 et incluant des photos de bijoux naturalistes qui feront partie de l’exposition. Ces archives témoignent de l’évolution du thème naturaliste au long des époques et montrent la manière dont Chaumet l’a adapté au goût de chaque période. Les artistes de la maison Chaumet ont toujours préféré regarder la nature telle qu’elle est, en choisissant de représenter des fleurs sauvages qu’on peut retrouver dans un champ ou dans une forêt plutôt que celles cultivées », ajoute-t-elle, rappelant à l’occasion qu’opter pour une fleur plutôt que pour une autre a toujours un sens important.

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Ainsi, le motif du lierre, très présent dans les bijoux de l’époque Romantique, symbolise la fidélité et l’attachement. La pensée, quant à elle, est synonyme de tristesse, de blessures d’amour et était par conséquent réservée à des bijoux plus petits et personnels.

L’ensemble de ces bijoux naturalistes racontent une nature sauvage, souple et emplie de vie. Les créateurs ne se limitent pas aux plantes de nos jardins mais partent glaner celles des sous-bois et des champs, allant même jusqu’à apprivoiser les mauvaises herbes que leur talent transforme en plantes gracieuses, les élevant ainsi au rang de joyaux.

A l’intérieur de vitrines à facettes, décorées à la feuille d’or par la créatrice Manuela Paul-Cavallier, et accompagnées d’une majestueuse grotte de cristaux conçue par le designer d’objets et de meubles en coquillages et coraux, Thomas Boog, est exposée la matière première, cette pierre qui donne naissance au bijou, brute, à l’état pur attendant d’être taillée et polie.

Désirant faire un lien entre le passé qui a fait sa renommée et le présent, la joaillerie présente de nouvelles créations qui revisitent le thème naturaliste, ce dernier n’ayant plus été abordé depuis les années 1970 car comme le rappelle très justement madame de Plinval :

« parfois il faut attendre plus de 40 ans pour que quelque chose redevienne à la mode ».

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C’est donc les nuances historiques et symboliques du passé qui se reflètent sur la nouvelle édition limitée de la bague et de la broche aux épis de blé. C’est Marie-Étienne Nitot, la fondatrice de ce qui est aujourd’hui la Maison Chaumet, qui créa dans les années 1811 l’unique et somptueux diadème pour l’impératrice Marie-Louise, jeune épouse de Napoléon, orné de neuf épis de blé disposés avec grâce et élégance en forme d’arc.
Le design néoclassique asymétrique, avec des diamants de 60 carats montés sur argent et or, est le reflet de la vague de modernité qui traversait alors l’Empire. Le diadème faisait partie d’une commande de 150 épis de blé destinés à orner la robe et la parure de la mariée. Ces bijoux rejoindront ensuite partie des Joyaux de la Couronne de France.

Le blé, symbole de fertilité, était l’un des emblèmes de l’impératrice Joséphine, la première épouse de Napoléon, de sorte qu’on le retrouve dans ses robes de cour et ses bijoux. Ce motif a été revisité à plusieurs reprises par le joaillier et il apparaît également dans des diadèmes de la Belle Époque et sur des broches après la Seconde Guerre Mondiale.

Aujourd’hui, les grains des épis sont faits de diamants, et ceux-ci s’enroulent autour du doigt, tandis que la broche s’élève vers le soleil. Reflétant la tradition hyper-naturaliste de la maison, on y découvre cet éternel et majestueux contraste entre or satiné bruni et or brossé, donnant tout leur côté naturel aux créations.

Autre symbole de l’Empire très prisé par la Maison Chaumet et qui réapparaît également dans la nouvelle collection, est l’abeille conjuguée de grenats mandarin et hessonite, d’opales, de tourmalines, de péridots, de topazes, de saphirs jaunes, de béryls verts, de diamants et de perles d’or étincelantes. Toute en légèreté et en féminité, les 13 abeilles de la collection butinent en présentant au soleil leurs ailes ajourées, telle une dentelle qui associe l’or blanc saupoudré de diamants à l’or jaune poli.

Un magnifique musée où rivalisent la beauté, le talent, la créativité et la richesse des pièces exposées, et comme le souligne Jean-Marc Mansvelt :

« Nous considérons ce musée éphémère comme une magnifique fenêtre ouverte sur notre histoire. À plus long terme, nous projetons d’organiser une plus grande exposition, en collaboration avec d’autres musées : des pièces Chaumet sont en effet conservées au Louvre, à l’Institution Smithsonian de Washington et dans le Chateau de Fontainebleau, ainsi que chez plusieurs familles royales, particulièrement en Europe du Nord. »

Attachée à la maison depuis près de cinquante ans, Béatrice de Plinval développe depuis les années 80 la collection en rachetant, au fil des ans, des pièces historiques de valeur.

« De temps en temps, nous achetons des pièces de valeur. L’année dernière, nous avons racheté une pièce exceptionnelle qui aurait pu aisément se retrouver au Louvre. Mais nous ne cherchons que des pièces uniques et elles n’arrivent pas très souvent sur le marché ». précise le PDG de la maison Chaumet.

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Olivier Wagner, spécialiste du département de joaillerie de Sotheby à Genève, confirme que les pièces Chaumet, bien qu’elles soient très demandées, ne sont pas proposées très souvent sur le marché des ventes aux enchères et ajoute :

« Chaumet fut un joaillier de cour pour les familles royales et aristocrates d’Europe, les grands-ducs de Russie et, plus tard, les Maharajahs d’Inde. Les bijoux produits à ces époques étaient des œuvres d’art plutôt que des pièces caractéristiques d’une marque : dans ce sens, on peut parler d’un style, d’une signature Chaumet. »

Une promenade bucolique parsemée de pierres précieuses de qualité exceptionnelle, qui permet de suivre l’évolution du style de la Maison Chaumet en fonction des époques et de leurs modes mais dont les collections ont toujours fait l’apogée d’une nature qui n’a cessé d’être au centre de la ligne de création du célèbre joaillier.

Infos pratiques

Exposition “Promenade Bucolique” jusqu’au 30 janvier 2016.
Le musée Ephémère de Chaumet – 12, place Vendôme – 75001 Paris.
Du lundi au samedi de 10h30 à 19h.

www.chaumet.fr