Assoiffés d’après le texte de Wadji Mouawad au Mouffetard

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Wadji Mouawad : Assoiffés
Wadji Mouawad : Assoiffés

Wajdi Mouawad traite ici de la jeunesse et de la mémoire avec le  marionnettiste Brice Coupey qui choisit dans sa mise en scène, d’interroger la construction de soi à l’âge où l’on se cherche.

Défendre et promouvoir les formes contemporaines des arts de la marionnette tout en s’adressant à un public adulte et enfant, tel est l’objectif que poursuit Le Mouffetard, Théâtre parisien des arts de la marionnette. Jeunes créateurs, talents émergents et reconnus s’y succèdent, conjuguant le théâtre, l’écriture, la danse, les arts plastiques et les recherches technologiques dans le domaine de l’image et du son, avec inventivité et passion.

Grâce aux marionnettes, les thèmes graves et profonds qui font bien souvent grincer des dents, telle l’immigration, la solitude ou bien encore la mondialisation, sont abordés sous un angle nouveau et insolite permettant de jeter un autre regard sur le monde qui nous entoure. A l’image, les marionnettistes associent bien souvent textes d’auteurs, classiques ou contemporains, et Wajdi Mouawad, directeur du théâtre national de la Colline, donne à son texte les Assoiffés, une nouvelle dimension en jouant sur les multiples facettes de manipulation et les inépuisables niveaux de jeux des marionnettes.

Boon, médecin légiste, élucide la mort de ses patients, ce qui lui permet par la même occasion de scruter leur passé. Or, un jour, en plein travail, c’est sa propre adolescence qui lui saute aux yeux. Plus jeune, il avait tout d’abord pensé embrasser une carrière littéraire suite à l’énoncé de ce devoir d’école : « Au moyen d’un appareil enregistreur audio-visuel, enquêtez auprès des gens de votre quartier afin de mieux connaître leur perception de la beauté et tirez-en votre propre conclusion sous une forme théâtrale. »

Boon avait rédigé le devoir à la place de son grand frère, donnant vie à la figure de Norvège qui incarne l’image de la beauté. Si l’ensemble des élèves de la classe s’était moqué à la lecture du devoir, Murdoch, un jeune homme aussi bavard que tourmenté n’avait dit mot. Humilié, le grand frère avait craché au visage de Boon, ce dernier renonçant dans la foulée à sa carrière d’écrivain pour devenir médecin légiste…

Artiste phare de la création théâtrale contemporaine, Wajdi Mouawad prend ce texte pour prétexte à aborder ses deux sujets de prédilection que sont la jeunesse et la mémoire.La scénographie du marionnettiste Brice Coupey, grand spécialiste de la marionnette à gaine, et connu pour son exceptionnelle dextérité manuelle, son sens du rythme parfait et son unique savoir-faire, repose sur la construction de soi à l’âge où l’on se cherche : le regard d’autrui façonnant nos nous-mêmes.

Le texte est direct, reflétant notre société avec ses expressions crues voire trash mais tout à la fois emplies d’émotion et d’humour. A travers l’interaction du jeu exceptionnel de Boon acteur qui s’adresse au public avec les marionnettes et les images créatrices de temporalité, les souvenirs de Boon s’organisent petit à petit, Murdoch agissant en silence sur l’immatériel, pour ne délivrer le sens global de la pièce qu’à la toute dernière scène où Boon réalise son désir : écrire !

Comme dans la plupart des oeuvres de Wajdi Mouawad, les rêves et les souvenirs s’incarnent au plus profond de la chair pour laisser surgir l’invisible, corps et âme se conjuguant et étant inextricablement liés :

« Je ne sais pas, monsieur, si c’est quelque chose que vous pouvez comprendre, je ne sais pas si c’est quelque chose que vous avez déjà éprouvé, mais c’est freakant de voir, du jour au lendemain, la mécanique d’un monde qui pendant longtemps était magique ! Je le sais plus ce qui se passe. Je le sais plus ! Est-ce que ça sert à quelque chose de «connaître» ? Est-ce que ça sert à quelque chose de «savoir» ? O.K., oui. Bon, c’est le fun de savoir que la capitale de l’Islande, c’est Reykjavik, Lomé la capitale du Togo et Ouagadougou la capitale du Burkina Faso, et quand il pleut à Montréal, il faut beau à Bornéo. C’est sûr : c’est utile ! Mais à quoi ça sert si je ne parviens pas à calmer ma colère ? Qu’est-ce que je peux connaître ? Qu’est-ce que je peux faire pour avoir le sentiment que je suis vivant et pas une machine ? Comment ça se fait que ce matin, en regardant mon sac d’école, j’ai eu l’impression que mon sac d’école avait plus d’espoir que moi ? Comment ça se fait que plus je grandis, moins j’ai l’impression d’être vivant ? Monsieur, qu’est-ce que ça veut dire, être vivant ? »

Les marionnettes seront également présentes pendant trois semaines en mai 2017 lors de la 9e Biennale internationale des arts de la marionnette. Organisé en partenariat avec la Maison des métallos et la Ville de Pantin et plus largement en Île-de-France, ce festival mettra à l’honneur cet art, dans sa plus grande diversité, de l’Allemagne au Moyen-Orient, de Taïwan à l’Amérique latine.

Photo : Loïc Le Gall

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Assoiffés d’après le texte de Wadji Mouawad
Jusqu’au 28 janvier 2017

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard – 75005 Paris

www.lemouffetard.com

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