Hélène VINCENT (Blanche Muir) Réalisation : Josée DAYAN

Du haut de ses 72 ans, Hélène Vincent fait partie des figures majeures de la scène française. Connue des spectateurs pour son interprétation de Marielle Le Quesnoy dans « La vie est un long fleuve tranquille », la dame se fait rare sur grand écran, foulant plus souvent les scènes de théâtre que les plateaux de cinéma. Le 15 septembre, le public pourra la retrouver sur France 3 dans le nouveau polar de Josée Dayan « Capitaine Marleau », où l’actrice y interprète la sœur de Gérard Depardieu.

Votre dernière collaboration avec Josée Dayan remonte à 2009, « Capitaine Marleau » est-il différent de vos précédent projets avec cette réalisatrice ?

Je ne sais pas si c’est vraiment différent, il y a un fil rouge dans tous ses films : la passion et son amour pour les comédiens. C’est extrêmement émouvant de travailler avec Josée car c’est touchant de voir quelqu’un qui réalise ses rêves avec toujours le même émerveillement. C’est ce qui me plaît chez elle, quand on est comédien et qu’on travaille avec elle on sait qu’on est aimé, ça nous met à l’aise, ça nous fait respirer. Elle tourne extrêmement vite, personnellement il y a des moments où je préfèrerais faire 27 prises ! Je fonctionne à l’opposé de Josée sur ce point mais ça me vient du théâtre et du fait de répéter très longtemps avant la première. Au final on se rend compte qu’on peut aussi arriver au même résultat en ne faisant qu’une seule prise. Il n’y a presque pas de répétition et avec cette position de « danger », on a le devoir de tout donner, de tout nous laisser échapper dès le premier essai. Tout le monde est dans la même fragilité d’improvisation donc tout peut arriver. Avec Josée on est constamment dans cet espèce de stress presque érotique de la première fois.

Ce n’était pas votre premier projet avec Josée Dayan, Corinne Masiero et Jean-Claude Drouot non plus, c’est cette adrénaline qui fait que les acteurs ont envie de retravailler avec elle ?

Absolument ! Cet aspect-là compte beaucoup mais aussi le fait d’avoir quelqu’un qui fait régulièrement appel à vous au fur et à mesure des années. On fait un peu partie de sa « bande » donc on a plutôt envie de lui dire oui et de la rejoindre. De plus c’est quelqu’un qui a prouvé de nombreuses fois son extrême fidélité et sa grande générosité donc on a envie de la suivre quand elle nous appelle. Ce que je fais avec Josée ne ressemble à rien de ce que je fais avec d’autres personnes.

« J’aimerais tenir le rôle du personnage principal d’une série et l’incarner pendant des mois et des mois »

Votre aventure avec Josée Dayan a débuté en 1985, de quelle manière cette relation a-t-elle commencé ?

Elle est venue me voir jouer au Festival d’Avignon dans « Liberté à Brême » de Fassbinder mais je ne savais pas qu’elle était présente. Elle m’a laissé un message après la représentation me disant : « Chère Hélène Vincent, je vous ai trouvée incroyable. Votre chant, votre voix… J’aimerais travailler avec vous. » Et elle m’a rappelée quelques temps après. Je crois d’ailleurs que la première fois qu’on a tourné ensemble c’était déjà pour un polar, je jouais la meurtrière.

Aujourd’hui en 2015 après 30 ans de relation, qu’est-ce qui vous lie encore à Josée Dayan ?

La passion, tout ce qu’on a fait ensemble. A sa fidélité répond la mienne et je ne vois aucune bonne raison pour refuser de la rejoindre. Elle me propose toujours de jouer un personnage très intriguant, très intéressant, peut-être un jour me donnera-t-elle un rôle principal. D’ailleurs ça fait très longtemps que j’aimerais tenir le rôle du personnage principal d’une série et l’incarner pendant des mois et des mois.

Qu’est-ce qui vous plairait ?

La possibilité d’approfondir, de construire, de faire évoluer… Ça ne m’est encore jamais arrivé mais je me demande comment fait-on pour jouer 600 fois le même personnage au théâtre par exemple ? Pour moi c’est une énigme absolue. En tant que lectrice j’ai toujours aimé les feuilletons, Zola, Blazac par exemple, j’ai toujours aimé les « à suivre ». Construire un personnage, vieillir avec, inventer des nouvelles choses pour lui, je trouve ça passionnant. Quand c’est réussi, ce sont des séries devant lesquelles je reste scotchée ! On s’attache aussi au personnage même en tant qu’acteur je pense. Je ne crois pas qu’on puisse jouer un personnage sans prendre fait et cause pour lui, fut-il la dernière des crapules.

« Comme Josée, je suis totalement passionnée par les acteurs »

Qu’est-ce qui vous a attiré dans « Capitaine Marleau » ?

Le personnage de Marleau ! Ce personnage est très singulier et il s’accorde parfaitement avec la fantaisie incroyable de Corinne Masiero, avec sa faconde. La plupart des personnes s’étonnent du côté déglingué et déjanté de ce personnage. Ça en dit long sur ce qu’on pense de l’image des femmes au cinéma. Les Français ont encore des efforts à faire, on est loin du compte pour changer les clichés qui existent. Donc tout d’abord j’ai trouvé le Capitaine Marleau passionnant et puis l’idée de tourner avec Corinne m’a beaucoup intéressée. Je l’ai découverte dans «Louise Wimmer », bien que je l’aie vue au théâtre il y a longtemps dans le Nord. C’est toujours un moteur pour moi de pouvoir regarder ou travailler avec des comédiens qui m’ont émue, qui m’ont faire rire, qui m’ont étonnée… Pour « L’Odeur de la mandarine » j’étais emballée à l’idée de voir et de travailler avec Olivier Gourmet par exemple. Je suis totalement passionnée par les acteurs, comme Josée, et travailler avec eux c’est la meilleure façon de les découvrir. (NDLR : « L’Odeur de la mandarine » de Gilles Legrand sera en salles le 30 septembre prochain. Hélène Vincent y joue le rôle d’une gouvernante.)

Quelle expérience tirez-vous de cette nouvelle collaboration ? Même à votre âge on continue d’apprendre ?

Apprendre mais profiter avant tout. Il faut toujours profiter et si ce n’est pas le cas mieux vaut arrêter ! Parfois la question se pose aussi : quand s’arrête-t-on ? Est-ce qu’on a envie de s’arrêter ? Je pense que le jour où je m’ennuierai je m’arrêterai, le jour où ce ne sera plus la renaissance de l’appétit. Les réalisateurs me redonnent cet appétit. Quand j’ai travaillé avec Stéphane Brizé sur « Quelques heures de printemps » (2012), j’ai trouvé ce projet sublime et si je devais emporter quelque chose de l’autre côté, j’emporterais ce film.

Propos recueillis par Camille Lambert et  Jean-Marc Lebeaupin

Diffusion le mardi 15 septembre 2015 à 20h50 sur France 3

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