SAMUEL “Pause” à la Galerie Lazarew

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    SAMUEL par Valérie Dussaut

    L’oeuvre de Samuel s’inscrit dans une culture artistique, dans une histoire dont l’artiste est imprégné et qu’il s’approprie de façon personnelle, inédite et résolument contemporaine, en utilisant à la fois une technique ancestrale qu’il revisite, la mosaïque, et celle qui submerge notre quotidien, la photographie, réinventée pour l’occasion.

    L’oeuvre de Samuel touche au coeur de l’être. Elle intervient au terme d’une recherche artistique de près de deux décennies en parfaite cohérence avec le parcours personnel de l’artiste. Ce travail reflète ces deux cheminements qui s’emboîtent et se réfléchissent en une intimité étroite. Car c’est bien dans son intimité que Samuel nous convie, dans une oeuvre aux multiples facettes, au propre comme au figuré. Sa quête de sens et d’authenticité dans la création le conduisent à explorer l’autobiographie, au plus près de soi. Nul pathos, cependant. Nous ne sommes pas les spectateurs des tourments d’un artiste ; nous sommes les amis avec lesquels il refait le monde, dans la complicité, dans la légèreté, tout en sourire. Si le travail de Samuel nous trouve, c’est bien parce que ses questions sont les nôtres ; il tend à l’universel. Appréhender l’oeuvre de Samuel, entre simplicité, évidence et complexité, c’est d’abord nous défaire de nos habitudes visuelles. Que voyons-nous ? L’objet est complexe, dans la fusion entre une photographie qui, par le traitement qu’elle a subi, mêle également mosaïque et peinture, et une mosaïque constituée de milliers de bûchettes de bois peintes, de hauteurs variables, qui lui confère un aspect sculptural. Aux pixels de la photographie, répondent ceux de la mosaïque de bois; les deux dimensions en deviennent trois. Le bas-relief ainsi créé nous donne l’impression qu’une partie de la photographie sort du cadre, vient à notre rencontre. C’est ici que réside toute la force de l’oeuvre : elle nous happe. Se met alors en place un jeu de va-et-vient du regard pour tenter de la saisir dans ses moindres détails — nous nous approchons, mus par l’envie de toucher — nous reculons pour contempler l’ensemble et l’apprécier dans sa globalité. Par ce travail sur l’illusion, l’artiste, en nous affranchissant de notre regard ordinaire, nous incite à le repenser, nous devenons co-créateurs de son oeuvre, nous nous l’approprions.

    Dès lors, l’évidence de l’oeuvre s’impose, son authenticité aussi. Samuel explore l’homme qu’il est, dans ses multiples dimensions. Son travail reflète ses points d’ancrage : l’ancrage dans une région, le Nord, pour laquelle il manifeste un attachement certain, l’ancrage, aussi, dans notre société du XXI e siècle qu’il questionne. Ainsi, s’émerveille-t-il à la vue d’une abeille, au point d’y consacrer une oeuvre, et derrière cette abeille, touchante de grâce, de légèreté, de vérité et de fragilité, transparaissent subtilement des thèmes qui lui sont chers: la vie, la disparition programmée des abeilles et les catastrophes qu’elle engendrerait; L’abeille pourrait devenir politique, mais l’artiste ne nous l’impose pas, le spectateur a le choix de contempler cette oeuvre avec le degré d’implication et d’émotion qui lui sied.

    Le souci d’authenticité est le coeur du travail de Samuel : on le trouve dans les moindres détails. D’abord, dans le choix de matériaux nobles — le papier, le bois — comme support à son expression, puis dans celui des sujets qu’il aborde, comme autant d’échos à ce qu’il est. À observer son oeuvre, on sent tout le plaisir qu’il éprouve à la création, minutieuse, patiente, précise, inspirée. Les bûchettes de bois qu’il peint (la moindre couleur a fait l’objet d’une multitude d’essais, jusque son point de justesse absolue) et qu’il fixe une à une sur le fond photographique, nous évoquent les jeux de construction auxquels nous nous adonnions, enfant. Nous sommes au coeur d’une architecture unique, ville miniature, dont l’élément central est la bûchette de bois : le pixel. L’unité de l’ oeuvre naît du pixel : il en est le concept fondamental. Il alimente tellement notre quotidien qu’il en est devenu banal. Ici, Samuel l’utilise, joue avec, l’agrandit jusqu’à lui conférer trois dimensions. Ainsi renverse-t-il le principe de la mise en abyme ; il crée une figuration dans la figuration photographique, composant autonome d’un ensemble plus vaste, lié à lui par l’expression chromatique. La réalité est réinterprétée, elle devient un objet qui s’amuse des échelles et trouble nos perceptions visuelles. Le processus de création est complexe, mais sûr, la maîtrise technique de l’artiste est comparable à celle d’un musicien qui, dominant son instrument, peut apporter à son interprétation une infinité de nuances. Samuel se laisse porter par son projet, le vit, le possède tout entier et nous offre en partage une oeuvre aboutie. Valérie Dussaut.

    PAUSE

    Après plusieurs expositions en France et à l’étranger entre 1995 et 2007, il effectue quelques résidences d’artistes afin de réaliser des expérimentations plastiques en résonance avec l’humain et son territoire, notamment dans des E.P.S.M (établissement public de santé mentale). C’est en 2011 qu’il se consacre intégralement à sa nouvelle recherche picturale. Pour prendre le contrepied de nos société de «zappers», propose de faire une Pause.

    Pour cela, il sélectionne certaines images-icônes qui lui sont chères (le Centre Pompidou, l’artiste Ai WeiWei, un distributeur de bonbons Haribo, une abeille, etc), les fragmente et les déforme à l’aide de milliers de bûchettes de bois peintes et vissées.

    Les images émergent alors vers le spectateur qui, obligé de tourner autour de l’oeuvre, de reculer ou de s’en approcher pour les visualiser, prend le temps de les faire siennes. La notion du temps est d’autant plus présente que chaque pièce est le fruit d’un long travail de patience et de précision. Entre 2000 et 7000 bûchettes de bois, peintes puis vissées une à une, entrent dans la composition de chaque oeuvre.

    Samuel ne met pas pour autant de côté l’instinct et le jeu lors de la disposition des bûchettes; d’ailleurs, il revendique son côté enfantin dans le désir de posséder, d’amener vers soi ses sujets, les étirant en de superbes architectures colorées, qui se dévoilent à mesure que l’on s’imprègne des oeuvres.

    L’exposition «Pause», présentée du 11 octobre au 10 novembre 2011 à la Galerie Lazarew Paris, sera l’occasion de dévoiler les quinze premières oeuvres de Samuel.

    Samuel est né le 16 mai 1973. Il vit et travaille à Dunkerque.

    GALERIE LAZAREW – PARIS