Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs au Musée Cernuschi

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Parfums de Chine, la culture de l'encens au temps des empereurs
Parfums de Chine, la culture de l'encens au temps des empereurs

Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs : 110 objets d’art et d’archéologie invitent à un véritable voyage à travers la civilisation chinoise. Céramiques, dessins, bronzes ou toiles issus des collections du Musée de Shanghai sont présentés en Europe pour la première fois.

L’Exposition Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs aborde de manière inédite la civilisation chinoise à travers l’art de l’encens et du parfum en Chine depuis le IIIe siècle avant notre ère jusqu’au XIXe siècle. Près de 110 objets d’art et d’archéologie rassemblés pour la première fois invitent à un véritable voyage à travers la civilisation chinoise. Céramiques, dessins, bronzes ou toiles issus des collections du musée de Shanghai et présentés en Europe pour la première fois sont accompagnés par une vingtaine de pièces issues des collections du musée Cernuschi.

Doté d’une symbolique qui s’enrichit au fil du temps, le parfum permet d’aborder de nombreux aspects de la culture chinoise. Depuis sa signification dans les pratiques liturgiques jusqu’à son association à l’art de vivre des lettrés, l’encens a suscité une grande diversité de productions artistiques. Des brûle-parfums aux tables à encens, l’histoire du parfum en Chine permet d’aborder les plus brillantes créations artistiques, et ce à travers une grande diversité de médiums. En effet, les œuvres présentées permettent au public de découvrir un vaste aperçu des savoir-faire des artisans de Chine, depuis les techniques des bronziers, des laqueurs, ou des sculpteurs sur bambou. Enfin, un ensemble de peintures signées de grands noms, comme Chen Hongshou ou Qiu Ying, mettent en scène belles dames, ermites et lettrés dans leur rapport à l’encens, qu’il soit associé à la toilette, à la méditation ou au rituel. L’exposition bénéficie du soutien de la maison Dior Parfums et des créations exclusives de son parfumeur-créateur François Demachy

À propos de la réinterprétation de parfums anciens chinois

Interview de François Demachy – Parfumeur-Créateur Dior

« Explorer les recettes ancestrales de parfums de Chine a été une expérience passionnante car nous n’avions connaissance que de certaines matières premières alors que d’autres étaient méconnues. De même, l’étude de leur procédés par combustion et même par ingestion — une découverte ! — a été très inspirante pour mener nos reconstitutions. »

Quelle a été votre impression à la lecture des recettes et des usages de parfums dans la Chine ancienne ?

François Demachy : L’exploration de ces recettes de parfums de la Chine ancienne était intéressante à double titre car nous n’avions connaissance que de certaines matières premières alors que d’autres étaient méconnues. La façon dont les Chinois utilisaient le parfum est passionnante. Ces procédés ancestraux renvoient au sens littéral du mot parfum : per fumum « par la fumée » (on laissait ainsi se consumer les différentes matières mélangées). D’autre part, une des recettes communiquées par Frédéric Obringer, conseiller scientifique de cette exposition, mentionnait un procédé de parfumage par absorption. À savoir que des personnes mangeaient le mélange des différents composants. Petit à petit le parfum ressortait par le corps : au bout de cinq jours par la bouche, au bout de dix jours par la peau, au bout de vingt jours par les os. Et arrivé à trente jours, l’ensemble du corps entier. Petit à petit, au bout d’une cinquantaine de jours, le parfum traversait les vêtements en les imprégnant. Cette façon de se parfumer est très surprenante et intéressante. Elle souligne une recherche, la volonté d’une forme atypique de séduction.

Quelle a été votre démarche lors de la création des quatre premières fragrances pour les bornes de l’exposition ? Pouvez-vous nous expliquer comment s’est imposée cette démarche de réinterprétation ?

François Demachy : Ma démarche de réinterprétation des parfums a été, en tous les cas pour les premières bornes, relativement difficile parce que je n’avais pas à ma disposition toutes les matières premières. Certaines ont complétement disparu et il est très difficile de les obtenir, en tout cas sous forme exploitable. Il s’agissait donc de réaliser plutôt une interprétation, en veillant cependant à ne pas trahir les formules originales. Nous ne disposons plus de la forme de certains produits d’époque. Par exemple : on ne réduit plus en poudre les ingrédients comme avant, on ne les mélange plus de cette façon. De nos jours, on emploie des extraits qui sont beaucoup plus puissants. D’autre part, il existe aujourd’hui une évolution dans l’évaporation de l’odeur ce qui m’a obligé à mélanger les ingrédients différemment. En effet, il y a des produits, comme la livèche, qui sont extrêmement puissants sous forme d’essence et qui l’étaient sûrement moins à l’époque sous forme de poudre. Il a donc fallu que je réduise certaines quantités dans mes mélanges, comme avec la livèche. Cependant, nous avons retrouvé quelques éléments connus, comme la teinture de musc, le styrax, le patchouli, le bois d’aigle. Autant d’ingrédients qu’on utilise bien évidemment encore dans la parfumerie contemporaine.

Dans la dernière salle, vous proposez une interprétation contemporaine. Y a-t-il des recettes dont l’influence a été inspirante ? Des matières clefs qui ont plus particulièrement permis de réaliser les nouvelles formules ?

François Demachy : Dans la dernière salle, nous avons effectivement une interprétation d’une formule ancienne qui représente la dernière époque traitée dans l’exposition. On s’aperçoit qu’entre les premières dynasties et la dernière dynastie (la dynastie Qing), il y a une évolution dans la complexité des formules. On voit notamment l’apparition de notes florales, comme le magnolia, la rose ou encore la pivoine, ce qui a été pour nous beaucoup plus inspirant. L’introduction des notes florales au milieu des notes de bois de santal, très lourdes, ou de l’encens, dont les notes sont très denses, permet d’imaginer beaucoup plus de choses. Je me suis servi par exemple du magnolia, qui existe toujours dans la parfumerie actuelle, mais en l’accentuant. La rose était une évidence car elle « habille » en quelque sorte le parfum. Puis, j’ai ajouté du jasmin sambac et de l’osmanthus, qui sont des productions chinoises actuelles. Cette collaboration a été passionnante, elle m’a permis de faire un pas dans l’avenir.

Commissaires :

  • Éric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi
  • Li Zhongmou, vice-directeur du musée de Shanghai

Photo : Chen Hongshou, Femme parfumant ses manches sur un brûle-parfum. Ming (1368-1644)

Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs
Exposition jusqu’au 26 août 2018

Musée Cernuschi  Musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris
7, Avenue Vélasquez
75008 Paris

http://www.cernuschi.paris.fr/

Activités et conférences

Conférences gratuites à 16h les jeudis :

  • 14 juin, Dhupa, parfums d’Inde par Charlotte de Percin-Sermet, docteure en histoire de l’art, conférencière.
  • 5 juillet, La pratique du Kodo par Didier Trotier, chercheur honoraire CNRS, spécialiste en neurosciences de l’olfaction et de la gustation.
  • Invitation à aiguiser le regard (9/12 ans,1h30)
  • Art décoratif et peintures de lettrés : du mardi 26 au vendredi 29 juin, 14h30 animé par l’artiste plasticienne Hyun Jeung, (12/16 ans, 2h30)
  • Calligraphie chinoise par l’artiste plasticienne Hyun Jeung : mercredis 16 et 23 juin, à 11h (adultes, 2h)