“La tragédie est le meilleur morceaux de la bête”

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La tragédie est le meilleur morceaux de la bête
La tragédie est le meilleur morceaux de la bête

La thématique de la Grande Guerre inspire, une nouvelle fois, l’univers si singulier de Denis Chabroullet. “Poète du désastre”,  tout à la fois bricoleur, illusionniste et plasticien, le metteur en scène choisit non pas la reconstitution du chaos des tranchées mais la célébration de la vie et de l’humanité.

Une évocation théâtrale sur la Grande-Guerre

Cinq hommes enterrés dans une tranchée de 14 : Français, Allemand, Italien, Ecossais et Sénégalais, partageant leur quotidien sans autre distinction que leur uniforme boueux : à force d’aspirer les particules de vie improbables de la tranchée, les cinq « pioupious » font de la réalité épouvantable un ballet cocasse, car ils se préparent pour mourir, alors que tout dans le présent, les incite à vivre ! Le temps est suspendu à perte de vue dans un brouhaha lointain de canonnade, tandis que l’ici est fait de petits cris de rats, de poux et de bestioles, de chants d’oiseaux et pigeons voyageurs qu’ils ont adoptés comme compagnons de gourbi.

L’ailleurs est ailleurs, et tellement loin, qu’il leur a fait imaginer des machines à farfouiller les nuages, des outils à aspirer le sol, inventions improbables et géniales, car oui, l’ailleurs est comme l’ennemi : partout.

Au milieu de cet instantané où l’humour déjoue le destin, on découvre une femme, égérie blonde portant la coiffe Alsacienne. Est-elle le fruit de l’imaginaire collectif de ces mâles éperdus, ou un personnage de carton-pâte envoyé sur les lignes pour les fourvoyer ?

Qu’importe, on la convoite, certains, même, la violentent, tous l’aiment en cachette.

Comme eux, elle partage ce présent qui leur fait oublier d’envisager leur destin.

Un présent qui les ramène continuellement à la tentation de vivre : les joues roses grimées des peurs tout à-coup oubliées, les lèvres peintes du sang de la vie, ils chantent à tue-tête sous la voute céleste, chacun pour sa chacune imaginaire, imaginée, une ode à la vie passée. Mais l’assaut est inévitable, et de l’autre côté de la tranchée, la Grande Histoire les a mis en joue : ils doivent sortir du trou ; sans doute mourir, l’assaut est toujours meurtrier.

Se faire invisible, se transformer en arbre, en rocher, en herbe folle. Disparaître !

Le champ de bataille a pétri les peurs et les souffrances de cette communauté de « petits » pour servir la cupidité des grands : là, surgit de tout, le nonsens continuellement renouvelé des conflits de tout âge.

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Créer un spectacle sans parole autour de la Grande-Guerre nait de la littérature en toute évidence. La littérature est la fondatrice du théâtre visuel, muet, sonore. La lecture de textes littéraires comme ceux de Barbusse, Gabriel Chevallier, Dorgelès ou encore Maurice Genevoix est un moment d’isolation totale où la parole n’existe pas, seules les images mentales, les émotions isolent le lecteur dans un monde euphorique, donnant droit à des silences, où la pensée dépasse les mots qui sortent de la bouche. Pour moi, la littérature comme prétexte à faire du vivant ne passe pas par la parole, mais bien au contraire, un texte quel qu’il soit se lit seul, et sans témoin.

Le partage au théâtre n’existe pas, il est comme la littérature et naturellement se recrée sans les mots. Dans « La tragédie est le meilleur morceau de la bête » la parole est bannie pour la nécessité de la création. La lecture est un acte solitaire, un voyage riche ou pauvre selon la surprise des mots qui nous éveillent des situations toujours muettes. Dans notre théâtre, les mots n’ont pas la parole, ils perdraient la poésie des nuages perdus entre les dieux et la boue ; la lumière, la musique et le comédien sont des fantômes dont les mots sont délibérément morts. L’accumulation de la pensée de l’auteur enrichit le voyeur qui l’oblige à entrer dans un layon comme dans une forêt, perdu au milieu d’un rêve actif et debout, cette demie réalité est une force créatrice dont il faut se servir pour créer un nouveau rêve qui prend forme, se construit. Dans cette nouvelle création sur la Grande-Guerre, je ne vois pas comment passer à côté de cet univers de guerre et de désastre en invoquant la parole sauf dans le cas d’un spectacle historique qui n’est pas le propos. Travailler sur le thème de la grande guerre est une gageure !

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Mise en scène, écriture : Denis Chabroullet
Scénographie : Michel Lagarde et Denis Chabroullet
Univers sonores, musiques : Roselyne Bonnet des Tuves
Assistante à la mise en scène : Cécile Maquet
Avec : Benjamin Clée, Laurent Marconnet, Erwan Picquet, Sylvestre Vergez, Julien Verrié, Clémence Schreiber ainsi que Thierry
Grasset, Pauline Lefeuvre et Cécile Maquet
Lumières : Jérôme Buet
Construction du décor, machines et objets : Thierry Grasset et Pauline Lefeuvre
Peinture décor : Michel Lagarde et Pauline Lefeuvre
Costumes : Julie Thiollet
Son : Alexis Piquet
Conseiller historique : Jean-Pierre Verney
Photo plateau : Cécile Maquet

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les 6,7 & 8 novembre à 20h30 – Théâtre Luxembourg 4 Rue Cornillon 77100 Meaux

Le site du Théâtre de la Mezzanine : www.theatredelamezzanine.com