José Lévy “Judogi” à la NextLevel Galerie

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    NextLevel Galerie présente les dernières œuvres de José Lévy, pour lesquelles il fut Lauréat de la Villa Kujoyama à Kyoto, Japon 2011. A l’occasion de l’ouverture de l’exposition, José Lévy invite le compositeur Yves Chauris, rencontré lors de leur résidence à la Villa Kujoyama, à partager son “expérience du Japon” interprétée par le quatuor à cordes “Tana” devenu pour cette occasion chœur de cigales japonaises.

    de Lévi à Lévy « Ce que nous nommons exotisme traduit une inégalité de rythme » Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955

    Texte de Cédric Morisset

    En partant en résidence au Japon, José Lévy marchait sans le savoir dans les pas de Claude Lévi-Strauss. Faire l’expérience de l’autre. Partir à la fois vers l’ailleurs et vers l’interrogation de soi-même sur les traces de Judogi, cette entreprise spécialisée dans les équipements d’arts martiaux, fondée au début des années 60 par son grand-père Anatole. Grâce à une machine importée de l’archipel nippon, ce grand voyageur passionné du Japon se lance à l’époque dans la fabrication de tatamis made in France, de kimonos et de bokken. Ses innovations et son dynamisme entrepreneurial en font vite l’un des plus importants fournisseurs européens du secteur et le fournisseur officiel des Jeux Olympiques. Dans sa boutique du boulevard Beaumarchais, José, enfant, évoluait entre kimonos, kodachi, hakamas et mille autres accessoires aux noms étranges et étrangers. Ici une armure de kendo, là un paravent incrusté de nacre ouvrant les portes de l’imaginaire.

    Dans cette histoire familiale se trouvent les racines d’un projet à la villa Kujoyama de Kyoto en forme d’introspection intime, de dialogue avec l’esprit d’un grand-père toujours présent, et avec une vision européo-centrée d’un ailleurs fantasmé.

    De retour à Paris après plusieurs mois de résidence, le créateur parle chez NextLevel Galerie de « l’expérience du Japon », avant, pendant et après. Oeuvres testimoniales, un tapis, un paravent, des masques-sculptures et des photos en diaporama prennent la forme d’un journal intime visuel et émotionnel, dévoilé avec pudeur aux yeux du visiteur. Une ode à l’exotisme pourtant éloignée des récits de Pierre Loti ou du japonisme de l’Art Nouveau. L’expérience de la villa Kujoyama est un choc pour José Lévy qui y voit et y vit la confrontation entre sa vision « bande-annonce » du Japon où, créateur de mode, il eut plusieurs boutiques à son nom, le legs inconscient de son aïeul et l’expérience intime d’une temporalité différente.

    « Un voyage s’inscrit simultanément dans l’espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale. Chaque impression n’est définissable qu’en les rapportant solidairement à ces trois axes, et comme l’espace possède à lui seul trois dimensions, il en faudrait au moins cinq pour se faire du voyage une représentation adéquate » écrivait Claude Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques en 1955.

    A travers cette exposition, José Lévy cherche à faire apparaître avec justesse ces dimensions invisibles, pour révéler une nouvelle face du Japon comme de lui-même. Avec 24 premiers jours à Kyoto tout d’abord, un diaporama qui parle de l’indicible et touche du doigt l’essence du Shinto. Projeté lors de la première Nuit Blanche de Kyoto en 2011, celui-ci est composé d’images doubles faisant dialoguer des snapshots pris chaque jour au Japon et des photos de sa bibliothèque intime de Paris, Marrakech, et d’ailleurs. Un souvenir en devenir en regard avec un souvenir déjà ancré dans sa mémoire.

    Clash fusionnel entre Paris et Kyoto, l’hypnotique Tapis zen de bitume invite quant à lui à la méditation avec ses sillons sculptés dans la laine par la Manufacture de Moroges; où comment passer du minéral et végetal tapis zen japonais au bitume parisien.

    Le paravent de sa grand mère Dora devient une sculpture lumineuse et ses silhouettes en taille-douce sur papier washi illuminent doucement l’intérieur d’un pavillon japonais ou d’un appartement du square des Arènes de Lutèce.

    Les masques de théâtre Nô, les énigmatiques visages de tatami Beaumarchais & Juliette sondent notre âme, et prennent la forme d’assises-sculptures de fibre de verre recouvertes de tatami, matériau familial qui, pour la première fois—sacrilège ou innovation—prend du relief. Pièces inspirées par le souvenir d’enfance des objets de la boutique du boulevard Beaumarchais, et de la maison de ces grands parents collectionneurs. Elles ont été dessinées de mémoire par le créateur. Passées dans les méandres de son esprit déambulatoire, elles sont amendées de matériaux, d’histoires ou de fonctions nouvelles.

    A travers ces pièces, José Lévy aborde le Japon avec la dimension de transversalité qui le caractérise et l’intime pour mètre-étalon. Judogi parle de l’autre mais d’abord de soi. Voyage intérieur, il invite à un jet-lag émotionnel qui donne à voir une facette troublée de l’univers du créateur. On dit souvent que l’observation modifie la réalité observée. Elle modifie aussi celui qui observe.

    • Exposition du  mercredi 5 septembre au samedi 3 novembre 2012
    • Vernissage le mercredi 5 septembre de 18h à 21h

    Performance musicale du compositeur Yves Chauris interprétée par le Quatuor Tana à 19h30

    • Antoine Maisonhaute, Chikako Hosoda, violons
    • Maxime Désert, alto
    • Jeanne Maisonhaute, violoncelle

    NextLevel Galerie