Jean Marie Roughol « Je tape la manche » depuis 20 ans !

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Je tape la manche
Je tape la manche

Les deux tiers de sa journée, Jean Marie Roughol les passe un gobelet en plastique à ses pieds, dans le chicissime 8ème arrondissement parisien. On peut le rencontrer durant la semaine devant Chanel avenue Montaigne, car, comme il l’explique lui-même : « C’est mon petit endroit,  il faut se mettre dans des lieux stratégiques, là où il y a du passage ». Les week-ends et jours fériés, il migre vers le Drugstore des Champs-Élysées où il « tape le pèlerin ».

Ses objectifs sont teintés d’humour, demandant une pièce aux passants « pour la fashion week des clodos » ou « pour aller manger chez Joël Robuchon et dormir à l’hôtel Plaza » !! « Je travaille sept jours sur sept, même quand il fait froid, même quand je suis malade. Il faut que je fasse mes 80 euros par jour, pour l’hôtel et la nourriture. Les journées sont longues et parfois infernales », admet-il. Un soir, il rencontre Jean-Louis Debré, le président du Conseil constitutionnel ; il lui propose de garder un œil sur son vélo, la conversation s’engage, l’ange gardien fait le reste….

Jean-Louis Debré parle d’une belle rencontre due au hasard, et s’avoue choquer le jour où des passants s’offusquent de le voir parler à un SDF. Lui vient alors l’idée de relever ce défi avec Jean-Marie Roughol. « Je lui ai dit qu’il pourrait en remontrer à ces gens prétentieux et imbus d’eux-mêmes. Et je lui ai proposé d’écrire un livre pour raconter son histoire. »

Au début, Jean-Marie croit à une blague. « J’y croyais pas trop. Pendant longtemps, j’ai rien écrit. J’avais peur, car je fais plein de fautes, j’ai pas été trop à l’école », dit-il. Mais il se prend au jeu et commence à raconter ses souvenirs. « J’ai tout retranscrit moi-même, sur mon ordinateur », assure M. Debré. « On s’est retrouvés régulièrement, soit dans un café, soit le soir au Conseil constitutionnel. J’essayais de lui faire raconter le plus simplement possible les différents épisodes de sa vie ».

Pour Jean-Marie, « c’est comme si j’avais gagné au Loto » affirme-t-il, saluant au passage un Jean-Louis Debré d’une grande humanité, sans oublier de réaffirmer sa reconnaissance envers Robert Hossein, « l’homme le plus généreux au monde », qui l’a embauché comme figurant sur ses spectacles, ou Gad Elmaleh qui lui a fait tourner une scène dans le film Coco.

Bilan : un livre de 176 pages, publié mercredi chez Calmann-Lévy, Je tape la manche, préfacé par le responsable gaulliste, dans lequel Jean-Marie raconte son enfance et sa jeunesse chaotiques, ses nuits à la rue, dans des squats ou des parcs, ses amitiés avec d’autres SDF, mais aussi la concurrence et les bagarres pour défendre son territoire. Après plus de vingt ans dans la rue, Jean-Marie Roughol, à 47 ans, rêve d’ouvrir une crêperie et espère que son livre sensibilisera le public auprès des SDF et surtout, insiste-t-il, « sur les femmes SDF.  Il y en a de plus en plus et c’est encore plus dur pour elles. Elles se font agresser, certains profitent de leur faiblesse. C’est scandaleux ». Insolite, le livre marque cette rentrée littéraire 2015 par la sincérité et l’émotion qui s’en dégagent. Un grand moment d’humanité.

Broché: 176 pages
Editeur : Calmann-Lévy (7 octobre 2015)
Collection : Documents, Actualités, Société
Langue : Français
ISBN-10: 2702159001
ISBN-13: 978-2702159002