François Ozon “Jeune et Jolie” le 28 août dans les salles

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    Jeune & Jolie

    L’histoire :  Le portrait d’une jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons.

    Entretien avec Marine Vacth

    Comment s’est passée la rencontre avec François Ozon ?

    Très simplement. J’ai passé des essais avec lui, puis j’ai lu le scénario. J’étais très émue par cette histoire, je la trouvais forte et limpide mais j’avais besoin d’être rassurée par François, qu’il me raconte comment j’allais être filmée, à quoi le film allait ressembler, quelle serait son esthétique. Je me suis tout de suite sentie à l’aise avec lui, j’aime la malice qu’il y a dans ses yeux, sa manière d’être dans le travail, de vous traiter normalement, d’égal à égal. Je ne me sentais ni écrasée par son autorité de metteur en scène, ni mise sur un piédestal.

    Et puis quand il m’a choisie, François m’a demandé de refaire des essais avec tous les autres acteurs du film, pour l’aider à finir son casting, certains n’étant pas encore choisis. Il voulait par exemple nous voir, Géraldine et moi ensemble, pour être sûr que la relation mère-fille fonctionne physiquement. Pareil avec Fantin qui joue mon petit frère. C’était bien, ça m’a aidée à entrer plus facilement dans la peau d’Isabelle.

    Comment justement avez-vous appréhendé le personnage d’Isabelle ?

    Je ne peux pas dire que je m’identifiais à elle mais elle me touchait, j’avais envie de l’accompagner. Et puis en l’interprétant, forcément j’ai mis une part de moi-même.

    Vous donniez votre avis sur son allure physique ?

    Pas vraiment mais on en a beaucoup discuté avec François. Il m’avait demandé avant le tournage de ne plus couper mes cheveux pour qu’ils soient un peu plus longs, et aussi de prendre un peu de poids pour faire davantage adolescente, un peu joufflue, avec des rondeurs. Isabelle n’est pas une fille coquette, elle n’est pas dans la séduction, elle n’est pas habillée à la mode. Avec la costumière, Pascaline Chavanne, nous avons fait beaucoup d’essayages pour trouver un look juste et précis pour chaque saison : très jeune fille en fleur pour l’été, qui devient plus glamour et sexy quand elle se prostitue et qui finit très garçon manqué sans les artifices de la féminité à la fin. Ce n’est pas une jeune fille d’aujourd’hui, c’est une jeune fille tout court. Elle a un côté intemporel et François ne voulait surtout pas que le film soit un traité sociologique sur le phénomène actuel des étudiantes qui se prostituent pour gagner leur vie.

    Et d’ailleurs, Isabelle ne se prostitue pas pour de l’argent…

    Non, Isabelle se prostitue comme elle pourrait se droguer ou se confronter à une autre expérience un peu limite : pour se heurter au monde, trouver sa vérité. Isabelle n’est pas dupe d’elle-même et des autres, elle en sait d’ailleurs plus que beaucoup d’autres adolescents de son âge, et de la plupart des adultes qui l’entourent. Elle assume ses actes, elle ne s’excuse pas.

    Elle ne s’excuse pas au point de trouver normal d’utiliser l’argent de ses passes pour payer le psy…

    Tout à fait, elle n’est jamais dans la duplicité. On la sent à la fois très vulnérable et solide, c’est une fille singulière, solitaire, très peu dans le lien et la communication. Elle n’a pas envie de se confier sur son expérience de la prostitution, d’en faire l’objet de confidences. Ses silences me touchent beaucoup, je m’y retrouve. Elle maintient une distance avec les autres, elle est à la fois là et pas là.

    Et sa rencontre avec Georges ?

    Je pense que c’est une étape importante dans cette année qu’elle est en train de vivre et dont elle sortira transformée. D’abord parce qu’avec lui, c’est la première fois qu’elle se sent regardée. Et puis il y a de la tendresse entre eux, elle découvre avec Georges une autre façon de se mouvoir dans l’espace, une forme d’intimité, un rapport au plaisir, à l’érotisme. Sans doute qu’elle s’autorise à s’abandonner avec lui parce qu’elle se sent protégée par leur différence d’âge et le fait que leur relation soit tarifée. Entre eux, rien n’est vraiment possible. Et puis Georges est important dans sa vie parce qu’il va lui provoquer un choc terrible. Elle va ressentir, à cause de lui un fort sentiment de culpabilité et cela va marquer un coup d’arrêt dans son expérience de prostitution.

    D’une certaine manière, sans lui, peut-être aurait-elle continué à se prostituer, et peut-être aurait-elle fini par tomber sur un client plus dramatiquement violent que les autres…

    Oui, d’une certaine manière, Georges est son ange gardien. Mais c’est surtout sa femme qui aide Isabelle à la fin. C’est elle qui la décharge de la culpabilité de la mort de Georges. Et aussi de celle de s’être prostituée quand elle lui avoue qu’elle aussi a eu envie de faire l’amour avec des hommes pour de l’argent mais qu’elle n’a jamais osé. Tout d’un coup, il s’établit un lien entre elles comme Isabelle n’en a jamais connu avec sa mère. La femme de Georges autorise Isabelle à être ce qu’elle est vraiment. Elle est une passeuse.

    On peut se dire qu’elle n’existe que dans la tête d’Isabelle…

    Pour moi, elle existe réellement…

    Isabelle a du mal à communiquer avec sa mère mais elle a aussi un père très absent…

    C’est vrai mais pour moi, ce n’était pas un problème. Je ne me suis jamais formulé cette question du père absent, hormis quand le psy l’aborde ! François est très fort pour ça : poser des indices psychologiques sans jamais réduire les personnages à ces clés de compréhension.

    Dans la voiture avec Véronique, l’amie de sa mère, Isabelle dit : «Ce n’est pas moi qui suis dangereuse…». Alors c’est qui ?

    D’abord sa propre mère, qu’elle soupçonne d’avoir une relation avec le compagnon de Véronique. Plus largement, c’est le désir que suscite Isabelle qui est dangereux, sa jeunesse et sa beauté, qui renvoient tout le monde à ses propres désirs, à ses propres frustrations.

    Isabelle semble très affectée par le fait que sa mère ait une aventure avec Peter…

    Isabelle a surpris leur moment de complicité au théâtre mais c’était de loin, est-ce que cela prouve vraiment que sa mère trompe son ami avec Peter ? Peut-être que c’est simplement ce qu’elle veut se raconter, ce qu’elle veut voir. Je ne sais pas si elle est vraiment affectée. Quand elle décide d’en parler à sa mère, je ne pense pas que c’est parce qu’elle est choquée ou qu’elle la juge. C’est avant tout pour essayer de créer un moment de complicité entre elles deux, de rester sa petite fille.

    Pensez-vous qu’Isabelle croit à son histoire d’amour avec son camarade de classe ?

    Non, elle essaye mais je pense qu’elle n’y croit pas. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle se moque de lui. Si l’on excepte le garçon rencontré brièvement en vacances, il est le premier petit ami de son âge avec lequel elle a une relation amoureuse. Elle l’aime bien, elle éprouve de la tendresse pour lui, il la fait rire. Avec lui, elle s’octroie un moment de repos, elle souffle un peu. Et puis il rassure ses parents !

    Comment s’est passé le tournage ?

    C’était un tournage très joyeux et agréable. J’avais vraiment l’impression que c’était un travail d’équipe. Tout le monde travaillait à faire le même film, avec bienveillance. J’aime le côté pragmatique de François, sa manière de passer d’une scène à l’autre, d’être dans le travail de manière très concrète, sans compliment inutile. C’était un rôle fatigant, j’étais presque de tous les plans mais je me sentais entourée, portée et protégée.

    Comment avez-vous abordé les scènes de nudité ?

    Elles m’effrayaient un peu mais au bout du compte, je les ai abordées comme les autres ! J’étais tellement immergée dans le tournage et mon personnage que j’ai fini par m’oublier. Cette sensation est très agréable. Deux mois de tournage… je n’avais jamais connu une telle implication à long terme. D’autant plus qu’on a tourné presque toutes les scènes dans la continuité. Plus on avançait, plus j’avais l’impression de mieux connaître Isabelle. Comme un moteur, je me suis rodée, puis je suis passée à la vitesse supérieure.

    Comment s’est passée la rencontre avec Géraldine Pailhas ?

    On a appris à se connaître, on s’est apprivoisées, c’était une très belle rencontre, véritable. Je crois que notre complicité participe de l’émotion que l’on ressent devant cette mère et sa fille.

    Et avec Charlotte Rampling ? J’étais impressionnée de me retrouver face à cette actrice que j’admire beaucoup. Elle a une telle présence, une telle beauté. Elle aussi était très bienveillante avec moi.

    Vous avez envie de continuer dans le cinéma ?

    J’ai commencé ce métier − comme celui de mannequin d’ailleurs − un peu par hasard : Cédric Klapisch cherchait une mannequin pour jouer dans MA PART DU GÂTEAU… Mon rôle dans CE QUE LE JOUR DOIT À LA NUIT d’Alexandre Arcady, c’était aussi un peu malgré moi, un concours de circonstances. Mon désir d’être comédienne, j’ai commencé à vraiment le ressentir sur THE MAN WITH THE GOLDEN BRAIN, un court métrage de Joan Chemla. Et grâce maintenant à JEUNE & JOLIE, je commence vraiment à l’assumer.

    “Jeune et Jolie” Bande Annonce

    • Réalisé par François Ozon
    • Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot
    • Long-métrage français / Genre : Drame / Durée : 1h34min.
    • Année de production : 2013
    • Distributeur : Mars Distribution
    • Date de sortie : 21/08/2013