Cheyco Leidmann “High Toxi-City” à la gallery moretti & moretti

    0
    1230

    Ils sont drogués, criminels, prostitués, transsexuels, ils sont tous les acteurs d’un incroyable théâtre, celui que Cheyco Leidmann a mis en scène avec la collaboration d’Ypsitylla von Nazareth, dans sa présente exposition à la Galerie moretti & moretti.

    A travers des dizaines de pièces à couper le souffle, chaque composition de l’artiste, chaque image, répond à une urgence : témoigner d’un monde aux odeurs de sexe, de sang, de rage et de fureur, une descente aux enfers sur des chemins surréalistes, fantastiques, quelquefois magnifiques, toujours dérangeants, une œuvre implacable et sans concession.

    Cheyco Leidmann : L’image à l’estomac

    Les bleus sont bleus ; les rouges, vifs, tranchés, puissants, impressionnants… Parce qu’il montre la réalité dans toute sa crudité, sa cruauté, sa nudité, Cheyco Leidmann fixe d’abord les couleurs qui sont la vie même. Il en joue comme avec un pinceau, ou mieux, avec un couteau. Ses images, grand format, impeccables, aiguisées, bondissent littéralement hors du cadre de l’iconographie traditionnelle. Elles aspirent le regard par la force des visions qu’elles nous imposent et elles nous hypnotisent par la vivacité pointue des sujets qu’elles traitent.

    On n’est pas ici dans un monde mièvre de la caresse oculaire, de l’admiration sereine, de la contemplation. On peut dire aussi qu’on est plus près de l’univers de Bosch, de Brueghel ou de Félicien Rops que de celui de Berthe Morisot… « Nous menons notre vie aux franges de la folie » dit Cheyco Leidmann. Sa production, on en prend plein la vue. On la reçoit, franco de port, en pleine gueule. Chacune est un choc, un coup dans le plexus. Cheyco Leidmann est le meilleur boxeur de sa catégorie. Le spécialiste de l’image « à l’estomac » pour reprendre la formule de Gracq dans les années 50.

    Avec Cheyco Leidmann, qui vit et travaille entre les Etats-Unis et Paris, et surtout partout, on est plutôt dans les années surgies de ces roaring seventies ou eighties, quand tous les codes de la société avaient sauté. Aux modèles gominés et « propres sur eux » de la publicité de magazines ont succédé alors dans l’œil de la caméra une extravagante cour des miracles peuplée de « drogués, de sans-abris, de criminels, de prostituées, de transsexuels…». Ce sont « tous les acteurs d’une pièce de théâtre incroyablement acide » telle que présentée dans « Toxytt », le livre si adéquat de Cheyco Leidmann, publié voilà quelques années aux Éditions de La Martinière, avec Ypsitylla von Nazareth. « L’enfer est toujours à proximité, dans les rues, les écoles, les cinémas, les temples ; en Norvège, en Afrique du Sud, à l’Empire state building ou au Stade olympique. HighToxi-City, c’est partout ».

    Chacun des livres de Cheyco Leidmann complète les précédents. De même, chacune de ses expositions, de « Tantatrysk » à « Réalités », de « Syzygy » à « OXYcoNEXI » et « Zeta Nacht »… est un pas en avant dans l’exploration patiente et scrupuleuse d’un univers mental qui lui est propre. Et qu’il nous livre. « Tout se passe dans la tête » dit-il. La vision se dédouble parfaitement. Ici, tout n’est que blessure, souillure, sang et humeurs, la mort rode au tournant… Là, à deux pages, à deux pas, « tout n’est qu’ordre et beauté luxe calme et volupté » : dans un espace poétique, un décor mirifique, les demeures sont des villas de milliardaires et les points d’eau, des piscines de rêve. La population y est celle d’une étrange volière de perruches colorées, de mésanges siliconées, de coqs gantés de cuir… Dans une démesure chic et trash à la fois. Comme si l’on assistait au déroulé d’une banderole magique qui associe en les combinant des syllabes tronquées des trois piliers de Cheyco Leidmann : “Foxy Lady”, “Silicon” et “Sex Is Blue”.

    Il s’agit ainsi de symboliser, de résumer, de mettre en formule chimique les élément d’une explosion à trois dimensions :

    1) la Femme mystérieuse, rusée et envoutante,

    2) la sophistication de la Silicone qui amène les corps jusqu’à leur perfection conceptuelle

    3) le Sexe enfin qui est une fuite vers une Éternité bleue. Jouissive et définitive. Qui sait ?

    Voilà donc une œuvre multiple, prolifique, protéiforme et unique qui est, aussi, la profession de foi de Cheyco Leidmann. « La vérité de mon existence, dit-il, est dans les images, qui forment mon univers de survie. Pour moi, la seule façon de faire de l’art, c’est de s’engager et de se connecter au présent ». L’engagement de l’artiste est total. Son offre, par son originalité expressive et sa perfection formelle, le situe parmi les créateurs les plus exigeants et les plus révélateurs de leur époque, qui est la nôtre. Que Cheyco Leidmann nous aide sinon à comprendre, du moins à approcher. Jacques Bouzerand Paris, sept. 2012

    • Exposition du 16 novembre 2012 au 01 décembre 2012

    gallery moretti & moretti

    • 6, Cour Bérard
    • 75004 Paris