Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances et Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, ont confié à l’inspection générale des finances et à l’inspection générale des affaires culturelles une étude conjointe sur l’apport de la culture à notre économie.

Cette étude fait ressortir un poids significatif du secteur culturel, avec 104,5 Md€ d’apports directs et indirects à l’économie nationale en 2011 : les activités culturelles représentent 57,8 Md€ de valeur ajoutée, soit 3,2% du PIB national, 670 000 personnes employées soit 2,5% de l’emploi actif en 2010 et certains secteurs sont fortement exportateurs, comme les jeux vidéo et la mode. Cette étude a vocation à être périodiquement actualisée.

L’étude confirme également que le numérique a profondément bouleversé les chaînes de valeur de l’économie culturelle, avec une captation d’une part de la valeur ajoutée par les plateformes numériques chargées de l’intermédiation entre les créateurs et les consommateurs (Apple, Google, Amazon, etc.).

Le travail réalisé permet également d’appréhender le poids et la répartition des soutiens publics existants dans ce domaine, avec un apport financier total de l’Etat à la culture estimé à 13,4 Md€ par la mission, incluant 11,1 Md€ de crédits budgétaires, 1,4 Md€ de dépenses fiscales et 0,9 Md€ de taxes affectées. Les dépenses des collectivités territoriales sont évaluées pour leur part à environ 7,6 Md€, dont une partie vient de l’Etat compte tenu des flux croisés de financement.

Sur la base de l’étude d’un panel d’événements culturels locaux, la mission démontre également que les manifestations culturelles soutenues par les collectivités publiques génèrent des retombées économiques positives pour les territoires concernés. En développant une méthodologie inédite de comparaison du dynamisme de territoires similaires ayant bénéficié ou non d’une implantation culturelle récente, les deux inspections générales ont également établi une corrélation positive entre une implantation culturelle structurelle (équipement fixe, festival reconduit sur la durée) et le développement socio-économique d’un territoire. Ce travail sur les retombées économiques sera prochainement enrichi par l’étude en cours de réalisation sur l’impact de Marseille 2013.

En conclusion, les deux Ministres soulignent l’importance des interventions publiques pour conforter, dynamiser et renforcer la place et la compétitivité du secteur de la culture dans notre économie, au service du rayonnement national et de la vitalité de nos territoires, et pour inciter à l’émergence de modes de partage de la valeur respectueux de l’ensemble de la chaîne économique et notamment des créateurs, à l’ère numérique.

Ils soulignent à cet égard que la loi de finances rectificative pour 2013 vient ainsi de réformer le crédit d’impôt jeu vidéo, pour mieux le cibler et renforcer l’attractivité de notre territoire pour cette industrie culturelle, et de faire évoluer les crédits d’impôt cinématographiques, pour maintenir la diversité de notre production nationale et favoriser la venue de tournages internationaux sur notre territoire.

Par ailleurs, les Ministres indiquent qu’après les travaux engagés en 2013 et les concertations menées dans les différents secteurs des industries culturelles, après les premières réformes conduites notamment dans la loi audiovisuelle et les lois de finances pour 2013 et 2014, les réformes et les évolutions des dispositifs de soutien à la création se poursuivront en 2014, dans le cadre notamment de la loi sur la création.

Le rapport (extrait) :

La valeur ajoutée des activités culturelles est équivalente en 2011 à la valeur ajoutée de l’agriculture et des industries alimentaires (60,4 Md€)¹. Elle représente sept fois l’industrie automobile (8,6 Md€ en 2011), quatre fois l’industrie chimique (14,8 Md€) ou l’assurance (15,5 Md€) et plus de deux fois les télécommunications (25,5 Md€)².

Comparaison de la valeur ajoutée des activités culturelles avec la valeur ajoutée d’autres branches de l’économie en 2011 ( Md€)

1/ Agriculture, sylviculture et pêche (34,2 Md€) et industries alimentaires (26,2 Md€).

2/La notion d’activités culturelles recouvre les activités spécifiquement culturelles et les activités indirectement culturelles. Les autres ensembles de valeur ajoutée auxquels elle est comparée recouvre les activités répertoriées dans la nomenclature de l’Insee comme appartenant aux différentes branches identifiées. Aucune activités induites n’est prise en compte, ni pour les activités culturelles, ni pour les autres branches présentées.

Au sein de la valeur ajoutée culturelle (57,8 Md€), les onze secteurs se répartissent en trois groupes.

Deux secteurs contribuent à eux deux pour près d’un tiers du total : il s’agit du spectacle vivant (8,8 Md€ de valeur ajoutée) et du patrimoine (musées et patrimoine monumental : 8,1 Md€), dont une part essentielle (5,6 Md€) vient de l’activité indirecte liée notamment au secteur de la restauration du patrimoine bâti.

Valeur ajoutée des activités culturelles en 2011 ( Md€)

Viennent ensuite quatre secteurs qui en commun un volume relativement conséquent (3,4 à 5,7 Md€ de valeur ajoutée) et des liens de dépendance réciproques avec des activités indirectes : les arts visuels, à savoir les arts plastiques, le design et le stylisme, le marché de l’art et la photographie, ce dernier secteur dépendant de la fabrication, de la distribution et de la réparation des matériels ; la presse et le livre, deux secteurs industriels dépendants d’activités indirectes liées à leur processus de fabrication (papier, imprimerie) et à leur distribution en magasin spécialisé ou généraliste. La valeur ajoutée du secteur des industries de l’image et du son, c’est-à-dire des biens culturels industriels (musique enregistrée, vidéo, jeux vidéo) auxquels s’ajoutent les partitions et instruments de musique, est structurée de façon comparable, à un montant moindre (3,4 Md€).

Enfin, cinq secteurs ont la caractéristique d’impliquer pas ou peu d’activités culturelles indirectes, autrement dit de traiter en autonomie interne l’essentiel du cycle de fabrication/diffusion des services culturels proposés : l’audiovisuel, le cinéma, la publicité, l’architecture et le secteur non-marchand de l’accès aux savoirs et à la culture (bibliothèques et archives, enseignement culturel spécialisé).

Après une augmentation régulière entre 1995 et 2005 (de 3,3 à 3,5 % de la somme des valeurs ajoutées), la part de la valeur ajoutée a diminué en volume à partir de 2005 : elle passe de 3,5 % de la somme des valeurs ajoutées à 3,2 % de la somme des valeurs ajoutées en 2011.

L’apport de la culture à l’économie : 104,5 Md€

Pour mesurer l’apport global de la culture à l’économie, la mission a ajouté au périmètre défini plus haut (57,8 Md€), les effets « induits » par les activités culturelles, en s’en tenant toutefois aux effets induits par les seules activités « spécifiquement » culturelles13. Les activités induites, c’est-à-dire l’activité générée auprès d’autres entreprises par l’existence d’entreprises culturelles, représentent 49 % de la production spécifiquement culturelle. Parmi les activités spécifiquement culturelles, l’audiovisuel (65 %), le livre (57 %) et la presse (55 %) se caractérisent par de forts effets induits, s’agissant de secteurs industriels qui mobilisent fortement d’autres entreprises en dehors de leur secteur.

« L’apport de la culture à l’économie » ainsi défini par la mission représente un total de 104,5 Md€, soit l’équivalent de 5,8 % de la somme des valeurs ajoutées.

L’apport de la culture à l’économie (en M€/en % de la somme des valeurs ajoutées – prix de 2011)

 

Si les entreprises culturelles emploient 670 000 personnes dans des professions culturelles et non culturelles, les professions culturelles (870 000 personnes) irriguent également les entreprises non culturelles

En 2010, 870 000 personnes occupaient un emploi de type culturel (dans une entreprise culturelle ou non)¹, dont 770 000 emplois correspondant au champ d’activité considéré ci-dessus comme spécifiquement culturel (32 professions) et 100 000 emplois correspondant au champ indirectement culturel (20 professions). En conséquence, il existe plus de personnes ayant un emploi culturel en dehors d’entreprises culturelles (par exemple un photographe dans une entreprise agroalimentaire) que de personnes ayant un emploi non culturel dans une entreprise culturelle (par exemple un standardiste dans une chaîne de télévision).

1/ Les emplois culturels ont été identifiés au sein de la nomenclature « professions catégories socioprofessionnelles » (PCS). Il s’agit par exemple des artistes plasticiens, des détaillants en biens culturels, des cadres de la publicité, des journalistes ou des photographes. 32 professions spécifiquement culturelles et 20 professions indirectement culturelles (dont le nombre d’emplois a été proratisé en conséquence) ont été identifiées dans la nomenclature PCS.

L’intervention de l’État dans l’économie de la culture, une intensité et des modalités variées selon les secteurs

Le total de l’intervention financière de l’État dans le domaine de la culture et de la communication s’établit en 2012 à 13,9 Md€, dont 11,6 Md€ en crédits budgétaires, 1,4 Md€ en dépenses fiscales et 0,9 Md€ en taxes affectées¹.

Trois principaux pôles concentrent les trois quarts des crédits budgétaires en faveur de la culture. Il s’agit en premier lieu des sept programmes budgétaires gérés par le ministère de la culture de la communication, pour un total de 3,9 Md€ : création, patrimoine, transmission des savoirs, presse, contribution à l’audiovisuel et la diversité radiophonique, livre, industries culturelles, recherche culturelle et recherche scientifique. Les autres principaux postes du budget général sont les avances à l’audiovisuel public (contribution pour l’audiovisuel public : 3,3 Md€) et l’enseignement scolaire (éducation artistique et culturelle à l’école : 2,1 Md€).

A ces dépenses budgétaires, il convient d’ajouter les dépenses fiscales en faveur de la culture, qui représentaient un montant total de 1,4 Md€ en 2012. Les dépenses fiscales concernent en premier lieu le secteur de l’audiovisuel (dégrèvements de contribution pour l’audiovisuel public et déduction de TVA par les chaînes publiques, soit 47 % du total), le secteur de la presse (taux super réduit de TVA, soit 18 % du total) et le spectacle vivant (taux super réduit de TVA, soit 7 % du total).

Enfin, l’intervention publique prend également la forme de ressources fiscales affectées aux dépenses des différents organismes et fonds de soutien culturels : centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), association pour le soutien du théâtre privé, centre national de la chanson, des variétés et du jazz, centre national du livre, centre des monuments nationaux et institut national de recherche en archéologie préventive. Le montant des dépenses de ces organismes s’établissait en 2012 à un total de 897 M€.

1/Par ailleurs, l’intervention de l’État en faveur de certaines professions culturelles est aussi un mode de soutien au secteur de la culture. Compte tenu du caractère précaire et discontinu propre à une partie de l’activité culturelle, certaines populations ont en effet bénéficié « historiquement » d’aménagements des dispositifs généraux, dont le régime propre aux artistes-auteurs et celui des intermittents du spectacle.

Les Conclusions

En évaluant la valeur ajoutée des activités culturelles, la mission a pu constater les difficultés inhérentes à la construction d’un périmètre cohérent, homogène, fondé sur des données objectives, pour apprécier l’apport de la culture à l’économie. Ce travail de compilation est fortement corrélé aux choix méthodologiques et conceptuels de la mission, qui a souhaité évaluer la part du produit intérieur brut (PIB) attribuable à la culture en s’appuyant sur des approches complémentaires du champ culturel.

Ce travail permet d’obtenir une appréciation objective de l’apport macroéconomique de la culture et s’appuie sur un périmètre culturel cohérent. À ce titre, il devrait permettre à l’avenir, par une actualisation régulière, d’assurer un suivi cohérent de l’évolution des activités culturelles. Pour autant, la mission n’a pas considéré que se justifie la mise en place d’une structure permanente pour alimenter un éventuel « compte satellite ». Le suivi souhaitable sera d’autant plus précis par l’incitation faite à certaines entreprises culturelles de participer à l’effort d’inventaire en adoptant plus systématiquement le code d’activité spécifique à leur secteur (jeu vidéo), ou par la création de nouveaux codes NAF afin d’appréhender des activités mal identifiées : c’est notamment ce que préconise la mission s’agissant du marché de l’art, aujourd’hui confondu au sein d’ensembles trop vastes (« autres commerce de détail » ou « commerce de détail de biens d’occasion »).

L’analyse macroéconomique conduite par la mission doit être appréciée à l’aune des conclusions tracées dans la partie du rapport relative aux cinq secteurs culturels étudiés sous l’angle de la structuration et de la compétitivité économiques. En effet, si l’évaluation statistique de la culture permet d’obtenir un apport brut dans le PIB, c’est bien la capacité des politiques publiques à anticiper et à suivre les mutations sectorielles qui conditionnent la réussite des activités culturelles et leur compétitivité à l’international.

La création d’une méthodologie statistique pour évaluer l’impact d’un investissement culturel sur un territoire est la première étape de la démonstration de l’existence d’un lien de causalité entre culture et développement. Loin des discours convenus sur l’intérêt pour un territoire d’investir dans un évènement ou un équipement culturel, la mission a pu démontrer que les territoires ayant bénéficié d’une implantation culturelle était en moyenne plus performants au regard de données socio économiques que des territoires comparables. La mission a établi une corrélation positive entre la présence d’une implantation culturelle et le développement socio-économique d’un territoire.

Compte tenu des exigences d’efficience imposées à toute politique publique, la méthodologie d’évaluation de l’impact d’un investissement culturel pourra, à terme, permettre d’éclairer les décideurs afin de dégager les profils culturels ayant le plus d’effets sur le développement des territoires, et éventuellement de privilégier le financement d’un certain type d’implantation, afin de maximiser à la fois l’apport culturel et son impact économique.

(Source  ministère de la Culture et de la Communication et ministère de l’Economie et des Finances)